Petite philosophie pour une époque inquiète
J'estime philosophe tout homme, de quelque
degré de culture qu'il soit, qui essaye de temps à autre de se
donner une
vision d'ensemble, une vision ordonnée de tout ce qu'il sait, et
surtout de ce qu'il sait par expérience
directe, intérieure et extérieure.
(Paul
Valéry -
Entretiens)
L'esprit philosophique est un esprit
d'observation et de justesse qui rapporte tout à ses véritables
principes.
(Denis Diderot)
Le philosophe est essentiellement l'homme
d'un triple effort :
1) effort de critique, vers la pleine
clarté
de la conscience ;
2) effort de spéculation, vers une
connaissance profonde, intime, désintéressée du réel
3) effort de sagesse, vers le discernement des
réalités
spirituelles et des valeurs idéales.
(Edouard Le Roy
1929 - La pensée intuitive, I, 4-5)
Il y a de nos jours des professeurs de
philosophie, mais pas de philosophes.
(Henry
David
Thoreau - Walden, ou la vie
dans les bois).
Propos
Analyser sérieusement la crise
écologique, c'est remettre en question quelques grandes
évidences concernant la place de l’Homme dans la Nature, le Progrès, la
quête du bonheur individuel ou collectif, etc… Ces questions
proprement philosophiques doivent donc être reformulées car
les
problèmes posés se présentent sous un jour inédit dans l’histoire des
cultures : Les philosophies du passé ne sont pas nécessairement
disqualifiées, mais elles appartiennent à l'histoire des cultures, et
il nous faut comprendre que nous vivons une époque charnière où se
posent des
questions radicalement nouvelles. Ces questions sont nées de la
cohérence des connaissances
scientifiques sur l’histoire de l’Univers, de la Terre et de
la Vie, du constat de la finitude de la Planète face à la
mondialisation, et aussi des récentes techniques biologiques et
médicales d'intervention sur le vivant.
Sans prétendre à l'exhaustivité ou
à l'originalité, mais cherchant plutôt à être accessible tout en
restant aussi rationnel que possible, je crois donc utile de rassembler
ici
des éléments relatifs à cet ensemble de questions.
La philosophie, au
sens étymologique recherche de la sagesse
(individuelle et collective), devrait être la chose la mieux partagée
au monde.
On peut parfois en douter lorsqu’on se confronte aux textes que la
philosophie
universitaire vous impose, avant de vous autoriser à parler. En ce qui
me
concerne, quoique parvenu au fil des ans à un niveau d’éducation
appréciable,
je continue d’être rebuté, malgré ma quête sincère et mes efforts, par
bon
nombre d’écrits prétendument incontournables ou essentiels.
Langue jargonneuse et ésotérique,
hiérarchie des sujets
contestable, compréhension du monde souvent très approximative,
dévotion pour
des classiques dont l’universalité a été écornée par la marche
accélérée de
l’histoire, repli élitiste et intimidation par l’érudition étalée, le
monde
de la philosophie contemporaine, malgré ses prétentions me paraît très
souvent
déphasé au regard des inquiétudes qui traversent le monde
d’aujourd’hui.
De cette masse peu avenante au lecteur
ordinaire émergent
quelques phares de la pensée (Hans Jonas, Edgar Morin, Ivan Illich et
quelques
autres), quelques bons « vulgarisateurs » dans le bon
sens du terme
(André Compte Sponville, Michel Onfray, notamment) et aussi une
philosophie
écrite par des scientifiques préoccupés de partager leurs
interrogations
(Axel Kahn, Hubert Reeves, Pascal Picq, Jean Pierre Changeux, André
Lebeau, etc…)
C’est dans ces lectures que j’ai puisé
une bonne partie des
réflexions proposées ici, et si par souci de fluidité, je n’ai pas
émaillé mes petits textes de notes et de références, je ne peux
qu’inciter le
lecteur désireux de consolider sa pensée à s’y intéresser à son tour.
Mon but bien immodeste est donc de
présenter, de façon
méthodique et logique, un certain nombre de réflexions susceptibles
d’être
partagées par le plus grand nombre et pouvant aider à s'orienter dans
les
choix difficiles qui se posent aujourd’hui aux Hommes sur la Terre. Il
n’est du
reste pas certain qu’au niveau collectif, le terme de choix soit
correct, mais
je fais ici implicitement le pari (peut-être optimiste) que les
orientations
collectives de l’humanité tiennent pour une partie non négligeable à la
convergence
des choix de chaque homme.
Les idées exposées ici ne prétendent pas
être originales. Au
contraire, dans la mesure ou elles revendiquent l’assentiment du grand
nombre,
elles se doivent de reprendre ce qui a été élaboré et énoncé par de
nombreux
penseurs. Elles résultent d’ailleurs des lectures multiples évoquées
plus haut,
avec leurs convergences, les doutes non tranchés ou les choix
clarificateurs
qui se sont imposés. Mon travail a consisté plutôt à
présenter ce qui est un peu dispersé sous une forme que j'ai souhaitée
courte et condensée, en espérant par là montrer la cohérence de ce qui
est aujourd'hui un air du temps un peu diffus.
J'ai choisi la forme de courts articles,
fonctionnant
par mots-clés, choisis par nécessité logique ou par inclination, car
réfléchir au sens d'un mot, à son évolution, aux idées qui lui
sont associées, c'est remettre les choses en place, établir des
relations utiles, faire émerger un inconscient collectif, avec l'espoir
de dénouer des contradictions, de dégager des priorités.
Cette présentation peu hiérarchisée autorisant une
lecture par bribes non ordonnées est une concession à un air du temps
un peu zappeur. Elle permet aussi de ménager de la place pour des
apports ultérieurs. Elle n'est pas non plus sans inconvénients: ainsi,
elle n'expose pas explicitement un système, avec sa cohérence et ses
enchaînements logiques. Elle induit aussi un effet de répétition
inévitable si on veut que chaque article reste un tout. A cela on
répondra que la récurrence d'une idée traduit probablement l'importance
que lui donne l'auteur.
L'ordre des articles répond à une logique générale d'exposé, mais un
jeu
de renvois permet à chacun de passer d'une idée à une autre, non sans
quelque risque de papillonnage. Pour favoriser la brièveté, la
cohérence et la lecture simple, je n’ai pas voulu interrompre le texte
par trop de citations et de renvois. A mon sens, la vérité
d’une
idée repose sur sa bonne construction et sur la consistance de ses
points de
départ, et non sur l’autorité réelle ou supposée de son auteur.
Le lecteur soucieux d’érudition saura
reconnaître mes nombreux
emprunts qui je l’espère ne sont pas autant de trahisons. Globalement,
ces
idées s’appuient sur un ensemble de connaissances bien établies par les
diverses sciences, sur les enseignements de l’histoire, auxquels
s’ajoutent
quelques postulats simples touchant à la morale et aux fins humaines
Pour résumer, comme à l’époque bénie des
lumières où l’on pouvait
construire sa pensée sans la noyer dans l’érudition, mon propos se veut
simplement
un
propos d’honnête homme.
Think-thimble
http://antoine.li.free.fr
|
|