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Peut-on parler d’une pensée collective ?



L’action de l’homme et la pensée de l’homme ne sont pas séparables de son insertion dans l’ensemble collectif de la société. Celle-ci a démultiplié son pouvoir d’agir et de réfléchir, et il est donc d’autant plus important de s’interroger sur la bonne orientation, sur la bonne mesure de ces actions collectives. A partir de là, il devient légitime de poser la question de ce qui les a déterminées, et notamment la question d’une volonté collective, animée par une pensée collective.

Cette démarche, malgré les apparences, est loin d’être simple. En effet, si pour un individu, le cerveau et son système nerveux sont le siège de sa pensée et de sa volonté, comment définir ou situer le siège d’une pensée ou d’une volonté collective ? Cette question cruciale pour l’organisation de la société n’a en réalité pas de réponse satisfaisante.

La multiplicité des réflexions sur les utopies sociales, les conceptions économiques, les systèmes politiques, montre assez que les réponses, loin d’être uniques, sont souvent contradictoires ou ne peuvent être pensées qu'au travers d'un artifice douteux qui consiste à assimiler le fonctionnement collectif au fonctionnement d’un « individu collectif » hypothétique et mal défini. On parle ainsi de l’opinion publique, de la volonté du peuple, des marchés, de l’imaginaire collectif, etc… en les personnifiant abusivement, alors que manifestement ils fonctionnent très différemment d’une personne.

Malgré toutes ces théories sur la politique, la démocratie, ou le marché,
c’est en réalité par convention que nous admettons que les mécanismes institutionnels de la société permettent de faire émerger cette pensée et cette volonté collective.

Quand bien même cela serait-il vrai, se poserait alors la question de
savoir si une société humaine pense plus lucidement et agit avec plus de pertinence qu’un individu, ou qu’un petit groupe d’individus.

A l'effet de moyenne et d'inertie produits par le grand nombre, s'ajoutent des phénomènes de mimétisme, des conformismes dûs notamment à la confiance réciproque que s'accordent les individus ou au besoin d'appartenir au groupe. Le groupe entier peut ainsi suivre dans l'erreur des éléments "dominants". L'exemple des moutons de Panurge est cité à propos des engouements excessifs (mais heureusement plutôt innocents) de la mode, ou de certains comportements absurdes des foules ou des marchés.

Il est simpliste de postuler qu'un groupe serait par principe plus avisé (ou moins avisé) qu'un individu. Divers facteurs sont en jeu, à commencer par la nature des circonstances extérieures, et la structuration du groupe semble jouer un rôle au moins aussi déterminant que la qualité de ses individus. Imaginons par exemple que sur un bateau, un incendie se déclenche à bâbord. Cela peut finir tragiquement si les occupants trop peu nombreux sont impuissants à éteindre le feu. La terreur des flammes peut aussi en pousser un certain nombre à sauter à la mer au risque de s'y noyer, ou encore les faire refluer massivement vers tribord et faire chavirer le bateau. Par contre des occupants bien organisés pourront peut-être, par leur efficacité collective, parvenir à maîtriser l'incendie, voire même avec du nombre, de la discipline et de la clairvoyance, être capables, malgré la peur du feu, d'aller vers bâbord pour peser et éteindre le côté en flammes en le faisant plonger (sans chavirer). Dans cet exemple, il est important que l'alerte soit donnée avant que le feu n'ait pris trop d'ampleur, qu'il n'en résulte pas une panique fatale, et qu'une organisation interne efficace émerge dans le groupe pour prendre en charge l'urgence et organiser les manoeuvres.

Une telle analogie montre au moins qu'on ne peut pas simplement penser le comportement d'un groupe sans tenir compte de sa structure. Une société n'est pas un individu collectif, sauf par abus ou commodité coupable de langage. Pour en revenir à notre bateau, la structure du groupe des occupants vient non seulement de leur dépendance commune envers la coque et le système de propulsion, mais aussi des différentes catégories d'occupants (équipage et passagers) et de leur capacité à être bien organisés.

La structure donnée par la démocratie nous satisfait-elle réellement? Lorsqu'on dénigre le sens commun, le conformisme ou la pensée unique, on donne un caractère péjoratif à ces expressions révélateur d'un décalage mal vécu entre la pensée de l’individu et ce qu’on croit percevoir de « la pensée collective ».

Nous admettons ces institutions parce que nous en avons hérité de nos prédécesseurs, que nous y avons été éduqués et que nous nous fions en grande partie à l’expérience du passé. Par ailleurs, nous sommes souvent tentés de les réformer, mais nous nous heurtons pour cela à des difficultés d’organisation collective, car en cette matière, les opinions sont multiples et contradictoires.

Si malgré tout il faut pousser cette transposition, les questions essentielles seraient :
  • Comment une société perçoit-elle la réalité qui l’entoure ou son état interne?
  • Où passent ces informations, comment et par quoi (par qui) sont-elles traitées ?
  • En quoi consiste alors la conscience d’une société ?
  • Comment cela se traduit-il par des réactions, ou des actions ?
  • Cela est-il comparable à ce qui se passe chez un individu ?

 

Dans cette comparaison, sans même avoir à décrire la concrétisation de ces organes ou de ces circuits d’information, on peut penser que dans la société l'effet de moyenne, (qui tempère notablement les fortes variations, la souplesse et la réactivité que la pensée confère à l’individu) domine probablement sur les emballements mimétiques, qui n'en sont pas moins une clef essentielle du comportement collectif.

Cette dominance de l'inertie de la masse est probablement d'autant plus vraie que la société est démocratique, c’est à dire que le pouvoir d’action et la pensée sont partagés entre de nombreux individus.

Une société qui a manifesté sa capacité à se maintenir pendant une certaine durée est probablement structurée de façon à « s’auto-maintenir », et aura donc une inertie réactive d’autant plus grande. C’est probablement une vertu en général lorsqu’il s’agit de se prolonger au delà des petits aléas de l’histoire. Cela l’est moins au niveau plus local de l’interaction entre la société et l’individu, et c’est une source importante d’insatisfaction de bien des hommes vis-à-vis des contraintes sociales.

C’est aussi un véritable problème lorsque la société est confrontée à la nécessité d’un changement fondamental relativement rapide. C’est ce à quoi nous assistons avec le changement de paradigme imposé par le fait qu’aujourd’hui, la croissance de l’humanité se heurte aux limites de la planète.



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