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Racines


Si nous connaissons les plantes surtout par leurs parties aériennes, il ne faut pas sous-estimer l’importance de leurs racines.
La plupart des plantes sont reliées à la terre par des racines. Elles sont un système d’ancrage mécanique stabilisant autant qu’un système d’échanges nutritifs. On ne voit généralement pas les racines, et de ce fait, on en perçoit moins l’intérêt. Contrairement aux parties aériennes les racines poussent difficilement parmi les obstacles d’un terrain inégal. Les racines des plantes ont ainsi une étrange beauté, faite d’harmonie dans les ramifications et de bizarrerie tortueuse. D’ailleurs, les fleuristes et les décorateurs connaissent bien ces racines séchées aux formes fascinantes. Quoiqu’il en soit, pour les botanistes, c’est un élément très important de la plante, réserve de nutriments (pensons aux nombreux légumes racines et aux tubercules), siège de formes de vies spécifiques, telles que les mycorhizes, ces champignons qui collaborent aux échanges. De nombreuses espèces donnent l’exemple du rôle vital des racines dans la survie pendant l’hiver, en cas d’incendie ou plus simplement lorsque des animaux mangent les parties aériennes.

On voit aujourd’hui s’opposer deux façons d’exploiter le végétal : d’une part l’agro-alimentaire productiviste qui préfèrerait se passer de racines (cultures in vitro, culture hydroponique) ou en admet la nécessité sans en assumer complètement le rôle complexe, d’autre part une agriculture de terroir qui valorise autant qu’elle le peut cette interaction riche entre le sol et la plante. Au fur et à mesure qu’on comprend mieux les rôles multiples du sol et ses échanges avec la plante, on voit l’agronomie évoluer dans ses recommandations, s’intéressant à la vie souterraine de la plante, changeant les méthodes de préparation du sol (paillage au lieu de labours), d’irrigation et de plantation. On donne aussi plus d’attention aux conditions d’origine des plantes, celles des milieux dans lesquels elles ont évolué, et on manifeste plus de prudence sur les transplantations, les acclimatations, ainsi que les associations avec d’autres plantes, animaux ou microorganismes. Ces observations peuvent, à un moindre degré, être faites pour le monde animal et notamment les espèces domestiques.

Pour les populations humaines, les racines sont un ancrage dans la géographie. Jusqu’à une époque récente, pour un être humain, pour une culture, les racines étaient d’une grande importance. L’adaptation des civilisations à leur territoire, fruit de la longue durée d’évolution culturelle, traduisait cet enracinement. Ce sont les qualités résultant de cette bonne adaptation qu’on valorise encore aujourd’hui en faisant l’apologie du terroir, en affichant des appellations d’origine.

Mais l’homme en voyageant a aussi fait voyager
avec plus ou moins de succès ce qui appartenait à un lieu, à une géographie. Au fil de son histoire et de ses propres migrations, il a transplanté et acclimaté avec un succès variable les plantes, les hommes, les cultures. Il en est résulté un certain brouillage géographique, et une mentalité dominante de négation de la valeur des racines. Pour un esprit moderne, l’ancrage dans la terre est réactionnaire (en France, le rapprochement avec Pétain est vite fait), l’avenir est paraît-il dans la mobilité, le dernier chic est nomade. Les pays qui ont servi de modèle au vingtième siècle sont des pays de pionniers, vite installés, vite repartis à la première opportunité.

Critique assez radical de la modernité, Ivan Illich défendait les civilisations vernaculaires, partant du principe (confirmé par ses observations) que l’évolution lente de ces sociétés dans leur géographie avait permis un équilibre précieux entre les contraintes de l’environnement et les valeurs humaines fondamentales que sont pour lui l’autonomie, l'équité et l’épanouissement personnel, même si les techniques à première vue moins performantes imposent par ailleurs une vie plus sobre. A contrario, l’évolution moderne est rapide et se fonde sur une vision unidimensionnelle du progrès technique. Illich montre que cette modernité propose une abondance fallacieuse et surtout conduit à des aliénations contreproductives, au point parfois d’annihiler tout progrès. L’écho rencontré par les pamphlets d’Illich à la fin des années 1970 a été assez fort, mais temporaire, autant à cause du retrait d’Illich que par un changement des mentalités avec les années Reagan - Thatcher et l’écroulement du modèle communiste.

N’est-il pas inquiétant que les modèles de civilisation qui ont cours aujourd’hui prônent le déracinement, la mobilité, le nomadisme et qu’ils soient promus par des pays fortement marqués par la tradition des pionniers coloniaux, qui se souciaient plus d’exploitation de la terre que d’ancrage et d’échanges avec elle? A partir de là, il n’est pas très étonnant que la mondialisation marchande, en même temps qu’elle tend à faire disparaître cet ancrage de la civilisation dans la géographie, récupère les valeurs de terroir et les noie dans la confusion généralisée.

Mais aujourd’hui,
de plus en plus, entre la mise en concurrence planétaire, l’apparition d’un pot-pourri culturel uniformisant et la surconsommation de transports, on comprend mieux à quel point cette frénésie d’échanges devient destructrice.  Il faut souhaiter qu’avec la remise en cause des transports abusifs et la relocalisation de l’économie, la recherche d’un nouvel enracinement géographique des civilisations permette de retrouver ces valeurs en danger.

















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