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Buts, finalités, sens

Pourquoi voulons-nous que le monde ait un sens ?

Une chose est sûre, le monde va, et nous avec. Mais où ? A quoi bon ?

Le monde se dirige-t-il vers un but, une fin (mais rappelons nous que la fin du monde, étymologiquement, c’est l’Apocalypse), va-t-il dans une direction, dans un sens connu ou non, tourne-t-il en rond, selon une logique cyclique, erre-t-il au hasard, sans but, sans fin, et de façon imprévisible ? Pouvons nous voir dans la marche des choses du bien et de l’espoir ?

Même en raisonnant dans un cadre strictement matérialiste, cette quête du sens restera du ressort de la métaphysique, car il est clair que malgré ses avancées remarquables et la capacité de prédiction qu'elle a acquise, la science restera encore pour longtemps incapable d’épuiser ces questions (d'autant plus que comme le soulignait Descartes, son rôle est d'analyser des causes, non de chercher des finalités). 

On pourrait dire que le monde va du passé vers le futur, mais cette simple constatation tautologique sur le défilement du temps n’est pas satisfaisante. En tant qu’humains préoccupés par le futur et la perspective de notre mort, nous aimerions pouvoir trouver un sens général à notre vie, et nous consoler de notre finitude par des motifs d’espoir, même au delà de notre destin personnel. L’espoir fait vivre dit-on, et nous en avons besoin pour continuer notre vie et choisir de prolonger celle de notre espèce. C’est pourquoi, à défaut de pouvoir observer, ou connaître au sens plein du mot, le sens de la vie et les buts du monde, les hommes ont construit des réponses plus ou moins spéculatives pour combler cette soif de savoir. Mais ces réponses, théologiques ou philosophiques, si bien argumentées soient-elles appartiennent à leur époque, et sont donc à revoir lorsque les connaissances et les problèmes évoluent. Je crois par conséquent qu’il est illusoire de chercher les réponses pour aujourd’hui dans la seule lecture des philosophes du passé, si grands soient-ils. Platon, Aristote, les auteurs de la Bible ou du Coran, Spinoza, Kant, et leurs successeurs n’étaient pas confrontés à la mondialisation marchande, à la perspective d’une crise écologique, ou à la manipulation du vivant par les biotechnologies. L’évolution actuelle qui nous préoccupe pose des questions inédites sur le sens de l’existence des hommes.
 

Notre connaissance nous donne-t-elle le sens du monde ?

Si nous cherchons une réponse dans ce que nous connaissons maintenant de l’univers, nous sommes complètement dépassés : nous constatons notre insignifiance à l’échelle cosmique, notre position excentrée, fortuite et isolée dans le monde connu, et nous devons envisager la fin probable de notre planète lorsque dans très longtemps, le soleil ayant épuisé ses réserves se transformera en géante rouge. Comment penser que la perspective de cette apocalypse heureusement lointaine puisse guider l’humanité dans son questionnement actuel ?

Depuis Darwin, qui a plus fait pour disqualifier Dieu que bien d’autres sciences, la vie évolue sous l’effet du hasard. Cette découverte dont on débat encore dans certains cercles philosophiques et surtout religieux semble condamner l’idée des fins de la Nature. Mais à mon sens elle est moins déroutante qu’il n’y paraît. En effet, sous l’effet du hasard ne veut pas nécessairement dire au hasard, en tout cas pas si on prend un peu de recul. La Nature montre de nombreux exemples de déterminismes produits par des logiques stochastiques, et l’évolution de la vie en fait partie. A notre échelle, bien des lois de la Nature restent déterministes et permettent des prédictions. Le tri par le temps est un phénomène complexe, mais pas désordonné. Même si c’est le hasard qui est moteur, la logique de sélection produit du durable organisé (ou plus exactement, quand du non durable est produit, il n’est pas conservé), et on peut d’autant mieux l’observer que la vie sur Terre est extraordinairement ancienne. Dans le monde vivant, nous n’avons connaissance que de ce qui dure encore, ou a duré assez pour avoir produit des traces détectables telles que les fossiles. Nous ne savons pratiquement rien des échecs innombrables que les hasards de l’évolution n’ont pas manqué de produire. Aujourd’hui, quand nous en voyons, nous appelons cela une anomalie génétique, sans voir que ce que nous considérons comme une « erreur » de la Nature fait partie intégrante du processus qui a permis notre existence.

S’il faut retenir une chose de cette question du hasard de l’évolution, c’est sans doute que la Nature, avec ses bizarreries et ses gaspillages, ses cruautés et ses chaos, est également ancienne patiente et obstinée, et qu’elle fonctionne comme une machine à fabriquer du durable. Dans cette Nature complexe et subtile, bizarre et logique, constante et variable, stable et fragile, une espèce, la nôtre, a pris depuis peu une place cruciale. Une question essentielle est ainsi de savoir dans quelle mesure nous, humanité, faisons partie des phénomènes durables, ou des accidents passagers dans l’histoire du monde. Serions-nous une nouvelle « erreur » de la Nature ? Nous ne pouvons plus ignorer cette éventualité absurde, et nous devrions faire de son refus la colonne vertébrale de notre éthique (voir Hans Jonas, « le Principe Responsabilité »).
 

A défaut d’un sens absolu, pouvons nous envisager un sens relatif ?

Notre difficulté métaphysique vient de ce que notre capacité d’anticipation dépasse maintenant la durée sur laquelle nous pouvons construire une espérance collective. Cette difficulté ne nous paralyse pas réellement, car nous sommes aussi parfaitement capables d’agir en toute bonne conscience, au jour le jour et à court terme, sans avoir besoin de donner plus de sens à notre action. Peut-être cela n’est-il qu’une question de degré. On méprise, mais on envie aussi les animaux qui vivent un bonheur sans nuage en agissant selon leurs instincts dans l’ignorance confuse de leur destin. Pour vivre avec une connaissance plus précise et plus lointaine du futur, les hommes ont besoin de buts à plus long terme, mais notre tort est peut-être de les chercher trop loin et de ne pas nous contenter, faute de mieux, d’une sorte d’instinct de survie à la mesure de ce que nous pouvons maîtriser, c’est à dire d’une éthique fondée non pas sur des fins à l’échelle des temps cosmiques, mais sur des buts à l’échelle des temps historiques. L’impératif central serait alors de vouloir maintenir l’existence des hommes quelques générations au delà de notre propre époque.

 

Ne pas confondre sens de la vie et sens de l’univers

Pour fonder une éthique, il nous suffit déjà de donner du sens à la vie, et même de façon plus limitée, à la vie que nous connaissons effectivement, c’est à dire à la vie sur Terre. C’est sinon un orgueil démesuré, du moins une erreur (héritée de l’époque où l’Univers se réduisait à la Terre) que de croire que le sens de notre vie se confond avec celui de la marche de l’Univers. Nous avons cette curiosité fondamentale et cosmique, à laquelle nous consacrons beaucoup de moyens, mais nous avons tort d’en espérer autre chose que de la connaissance. Dieu n’est ni dans les particules élémentaires, ni dans les trous noirs ou le Big Bang, ou s’il y est, c’est selon toute vraisemblance un Dieu indifférent au sort des hommes, qui ne sont alors qu’une scorie infime à l’échelle de sa création. S’il nous fallait un Dieu pour les hommes et pour les vivants, c’est dans la Nature sur Terre qu’il faudrait le chercher, ou c’est pour nous et pour les générations à venir qu’il faudrait le créer.

Prolonger autant que nous le pouvons la vie des hommes sur Terre, refuser d’être une catastrophe pour nous et pour la Nature, voilà qui doit donner sens à nos actions, qui doit constituer un but non pas final mais permanent. Cette sagesse  retrouvée de l’humanité constituerait son instinct de survie.
 

Quels moyens pour de telles fins ?

Quoique recentrées sur notre petit monde, nous venons de définir des fins très ambitieuses. Cette fin justifie-t-elle tous les moyens ? l’enfer n’est-il pas aussi pavé de bonnes intentions ? Nous avons à être à la fois ambitieux et prudents, car le problème est immensément complexe.

Avec la civilisation industrielle, l’humanité a certes considérablement augmenté ses moyens. Elle a fait preuve d’ingéniosité, mais n’a pas augmenté sa sagesse ni sa prudence. En croyant aveuglément à des ressources terrestres sans limites et aux bonnes intentions du progrès technicien nous sommes entrés dans une impasse et il faut en tirer les leçons. Il nous appartient maintenant de nous reconvertir à une civilisation écologique assagie, capable de mettre de côté ses inquiétudes cosmiques (évolution du Soleil, relation avec des vies extraterrestres, etc…) pour s’occuper principalement de mieux ménager l’avenir des prochaines générations sur Terre.

Ce changement radical et urgent est au départ un changement de mentalités. Pour se remettre en harmonie durable avec son environnement, l’humanité doit renoncer à l’utopie insensée de l’abondance sans frein ni limites. La prise de conscience fait son chemin, sans doute trop lentement, mais elle commence à produire quelques effets concrets. Plus tôt elle se développera, plus les chances seront grandes que la révolution nécessaire se fasse dans le respect des valeurs humanistes.



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