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colonisation, colonialisme


Le colonialisme est une forme du nomadisme des populations humaines, une des façons de dépasser les limites d’un territoire. On pourrait alors le voir comme une tendance naturelle, connue depuis les origines de l’humanité et observable de façon plus générale dans le monde animal ou végétal qui nous fournissent de nombreux exemples de territoires envahis par des espèces dites exogènes (1). Cette approche fait en revanche bien peu de cas des populations humaines affectées par l’expansion colonialiste.

Le colonialisme est aussi une exploitation de l’homme par l’homme

On parle en effet plus spécifiquement de colonialisme lorsque l’expansion géographique d’une société se fait sur des territoires déjà peuplés par des autochtones et s’accompagne de l’asservissement de ces peuples.

Si la constitution de grands empires est historiquement très ancienne, cette modalité de la mondialisation a pris une importance grandissante à partir du seizième siècle, lorsque les appétits des Européens furent favorisés par de nouvelles possibilités de navigation et d’armement et exacerbés par la concurrence entre nations pour la "possession" des terres lointaines "non colonisées". Plus encore que l’Asie, déjà constituée en grands empires, le terrain privilégié de cette expansion fut le "Nouveau Monde" occupé alors par des populations dispersées, qui furent victimes non seulement de l’absence de scrupule des conquérants, mais aussi de maladies infectieuses nouvelles apportées par les arrivants. Jared Diamond établit un lien entre la sensibilité à la contagion des populations et leur faible densité d’occupation. On peut du reste pour s’en convaincre comparer le cas de l’Amérique avec celui des autres continents. L’Afrique quant à elle, fut surtout exploitée comme réservoir d’esclaves, ne devenant que plus tard un enjeu de concurrences impériales.

Usant de discours variés sur la supériorité des colons (européens, chrétiens, civilisés, armés, …), leur "droit" divin ou naturel à posséder des terres conquises (2), le colonialisme postule toujours une infériorité des populations envahies, même s’il affiche parfois des buts "positifs" de conversion au "vrai dieu",  de progrès humain ou technique et même d’intérêt scientifique géographique ou culturel. En réalité, pour une Europe à l’étroit et traversée par des conflits, le colonialisme a surtout été un exutoire, un terrain d’expansion économique et une vaste mine de richesses à extraire.

Selon les circonstances, il s’est manifesté de diverses manières, oppresseur et ravageur, paternaliste et profiteur, cynique et commerçant, et il n’a régressé qu’après la deuxième guerre mondiale, quand a émergé un nouvel état d’esprit dans les relations internationales.

Bilan (provisoire) du colonialisme

En permettant une expansion exceptionnelle à l'affairisme européen (et surtout anglo-saxon), le colonialisme est (avec l'industrie alimentée en grande partie par les produits coloniaux) une des causes principales de la puissance du capitalisme libéral, et de « l’avance » économique et technique prise par le monde "occidental". Il reste que la légende dorée du Progrès en minimise fortement le rôle, préférant insister sur le progrès technique, l'esprit d'entreprise ou l'expansion de la démocratie, moins entachés de fautes morales.

expo_Marseille_1906

Sur ce fait historique dont il faut assumer les conséquences d’une façon ou d’une autre, il importe de porter des jugements circonstanciés. En effet, le colonialisme n’a pas pris toujours les mêmes formes, l’exploitation des peuples n’a pas toujours été assortie d’esclavage, il y a eu des degrés assez variables dans le racisme, ou dans le cynisme conquérant ou mercantile. La violence du fait colonial a pu parfois être tempérée (quoi qu’on en pense) par le paternalisme ou même par une affection réelle, et dans le chaos du choc des cultures, certains héros positifs ont pu émerger.

La colonisation a accéléré l’évolution de la géographie des pays concernés, sur le plan politique, mais aussi par l’installation des colonies (avec le déplacement des peuples) et les aménagements d’infrastructures (transports, ports, plantations, mines…). Elle a, avec un bonheur inégal, engendré des formes de cultures (créoles) mélangées de diverses façons, qui aujourd’hui contribuent à la richesse culturelle du monde.

Les peuples colonisés ont parfois disparu, ou sont passés de la pauvreté à la misère, d’autres ont mieux surmonté la confrontation avec le colonisateur. Le métissage des populations, qui est parfois déterminant dans les sociétés actuelles, a été très variable. L’époque coloniale laisse le plus souvent derrière elle des sociétés inégalitaires, traversées d’antagonismes accumulés au cours d’une histoire fortement perturbée. La mémoire n’est pas partout effacée, distinguant chez les autochtones ceux qui accueillaient favorablement et ceux qui s’opposaient au colons, et chez les colonisateurs des tyrans, des civilisateurs, ou même parfois des libérateurs.

S'il a permis "l'entrée dans la modernité" de nombreux pays, avec notamment un meilleur accès à l'éducation et des progrès en matière de santé, il faut admettre que ces progrès, et notamment ceux du confort matériel et de la richesse sont souvent très inégalement répartis. Le colonialisme laisse aussi des séquelles très lourdes, des plaies difficiles à refermer, telles que les inégalités Nord-Sud, le racisme jusque dans les sociétés urbaines, et aussi des systèmes politiques mal adaptés aux sociétés et à la géographie des pays colonisés. Le colonialisme laisse aussi après lui des écosystèmes perturbés, et même dévastés (mines, carrières, villes champignons, vastes territoires de monoculture et slums périurbains), des peuples clochardisés, des civilisations disparues ou muséifiées pour les touristes, etc...

Lagos
Lagos au Nigeria

·      Nouvelles formes du colonialisme

Aujourd'hui le colonialisme ne s'est pas arrêté. S’il continue encore dans les mêmes termes qu’autrefois dans certains lieux de la planète (Palestine, Tibet, implantations chinoises en Afrique, …), il a en très grande partie changé de forme avec la décolonisation généralisée à la fin du XXème siècle. Moins ouvertement politique, il est maintenant porté par le commerce mondial, appuyé par la doxa de quelques grandes institutions mondiales (FMI, OMC, marchés des matières premières ...).

Grâce à la facilité des transports modernes et au développement récent des télécommunications, on voit se développer aujourd’hui un véritable colonialisme culturel, visible dans l’évolution mondiale des mœurs et des goûts, et surtout un colonialisme de la finance, qui par sa capacité à transporter l’argent instantanément partout dans le monde, dicte sa loi aux peuples, quels que soient leurs régimes politiques.

On voit ce colonialisme contemporain à l’œuvre dans l’internationalisation de la prospection pétrolière et le prétendu eldorado des gaz de schiste, dans la pêche industrielle qui décime les fonds marins, dans l’expansion mondiale du soja ou du palmier à huile, dans la domination des multinationales sur les sous-traitants locaux. On le voit aussi dans la multiplication des grands aéroports, dans l’éclosion partout dans le monde de centres commerciaux stéréotypés, dans la standardisation du tourisme. Et de même, les délocalisations de l’industrie textile, de la construction navale (et même du démantèlement naval) procèdent de ce mépris colonial envers la distance et les peuples lointains.

Un des problèmes majeurs lié à la poursuite de cette histoire colonialiste est la dépréciation de l'ancrage géographique des civilisations, la primeur universelle de la vision économique occidentale (qui en est le vecteur actuel). Le marché met en relation forcée des civilisations très diverses et leur impose une mutation qui est souvent synonyme de crise, avec son cortège d'inégalités, d'injustices, de dynamisme incontrôlé et de perte de mémoire.

La mentalité coloniale, forgée par deux siècles d'expansion prédatrice, amalgamant dans le même exotisme la diversité des géographies et des civilisations, est encore vivante et active. Elle ne connaît pas la durabilité et les limites, elle ne fonctionne que par l'exploitation opportuniste ignorante des obstacles, quelle qu’en soit la nature. Elle est donc incapable d’accepter l’idée d'une planète limitée dont il faut préserver les équilibres fragiles. Cette mentalité est pourtant dominante aujourd’hui, car elle imprègne un nombre de pays en pointe dans la mondialisation (USA, Australie, Brésil, Canada, et même Russie...)

Le comportement des différents pays lors des sommets internationaux sur le climat (mais aussi sur d’autres alertes écologiques) est assez révélateur (ce qui n’exonère pas pour autant les pays non coloniaux de leur éventuelle responsabilité). C'est une des difficultés du débat actuel de souligner cette inadaptation de principe, et d'imposer aux occidentaux une modestie de pensée face à des cultures plus durables. Edgar Morin dit que la seule supériorité dont peut s'enorgueillir la civilisation européenne occidentale est sa capacité critique, y compris envers elle-même. Souhaitons que ce soit vrai et qu'il en soit fait bon usage.

Itajai
paysage de banlieues au Brésil
 

(1) Par exemple, les rats, ou les lapins introduits dans certaines îles par des voyageurs, la fourmi d’Argentine en région méditerranéenne, la renouée du Japon (invasive en Europe), l’algue Caulerpa taxifolia en Méditerranée, ou les perruches à collier en banlieue parisienne. (retour)

(2) Selon la formule de Tocqueville, les Indiens d’Amérique ne « possédaient » pas la terre, ils se contentaient de l’ "occuper ". (retour)


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Tintin_au_Congo



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Christophe Colomb "découvre" l'Amérique


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l'Europe soutenue par l'Amérique et l'Afrique

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