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Rationalité, Logique


Pour le philosophe, la raison est une des plus hautes aptitudes de l’esprit humain. Elle se manifeste par la pensée logique, que la philosophie s’efforce de développer pour tous les sujets dont elle se saisit.

On peut voir la logique comme l’enchaînement correct des idées
. Correct, c’est-à-dire conforme à certains critères comme notamment des définitions claires, un passage justifié des prémisses aux conclusions ou le respect des causalités. Cela correspond en gros à ce que Pascal appelait « esprit de géométrie ».

La question a été longuement posée et débattue de savoir si la logique était immanente, si c’était une propriété du monde, ou une création de notre esprit. Pour moi, la logique émerge de la perception du monde par notre entendement, elle est donc liée autant aux propriétés de ce monde qu’aux structures de notre cerveau et de notre langage, ainsi même qu’à notre éducation. C’est un élément de la culture développée par les hommes face au monde, qui leur a notamment permis de mieux prévoir, d’agir de façon plus circonstanciée, ou de mieux dominer certaines surprises. Nous apprenons à reconnaître les similitudes, à créer et délimiter des catégories, à repérer des causalités, etc…et nous apprenons à analyser comment relier entre elles différentes propositions vraies, comment les enchaîner – précisément – de façon logique.

Une confrontation aux régularités du monde

Un phénomène qui présente des régularités nous apparaît tributaire d’une certaine logique, cette logique étant éventuellement (mais pas toujours) reliée à d’autres plus générales. Si nous sommes incapables de percevoir les régularités d’un phénomène, nous le considérons comme illogique.

Nous recherchons des conclusions en principe vraies par l’enchaînement logique des idées à partir d’idées acceptées comme vraies. On appelle cela un raisonnement déductif. La démarche inverse, l’induction, procède par extension, en énonçant des vérités générales à partir de cas particuliers, mais elle demande des vérifications par la suite. Quoi qu’il en soit, l’usage de la logique consiste à produire des certitudes par spéculation intellectuelle .

On comprend l’intérêt qu’il y a ainsi à repérer des lois dans la réalité. Et lorsqu’une loi est contredite la nécessité de la repenser est d’autant plus difficile que cette loi est forte et bien établie. Ainsi la connaissance scientifique n’évolue-t-elle pas sans de multiples contrôles. Les prestidigitateurs et autres illusionnistes qui semblent capables de produire des faits défiant toute logique ont heureusement des trucs, qu’ils révèlent ou qu’ils gardent secrets, et cette idée nous suffit pour ne pas remettre en cause une bonne partie de la physique la plus confirmée. En y réfléchissant bien, notre compréhension logique du monde repose en réalité sur une induction fondamentale qui consiste à postuler qu’à partir d’un certain degré de confirmation expérimentale, les lois reconnues vont rester constantes et peuvent être extrapolées en toute tranquillité d’esprit. La magie des illusionnistes, les effets spéciaux du cinéma ou les récits de phénomènes paranormaux n’ont pas détruit notre confiance en Galilée, Newton, et leurs successeurs. Nous continuons de nous fier à notre montre ou de prendre l’avion sans trop de crainte. Nous savons aussi par expérience que si certaines lois sont très fortes, d’autres le sont beaucoup moins, et que la connaissance qu’elles nous donnent est d’un emploi moins facile. Cela dépend des domaines de connaissance, et notamment de leur degré de complexité causale. Tout le monde croit à la chute des corps, mais beaucoup se défient des prédictions des sondages.

Un langage propre aux cerveaux supérieurs ?

La logique (du grec logos, le discours) est un langage. Utilisé et étudié tout d’abord dans le cadre de la philosophie (on se rappelle comment les syllogismes de toutes sortes ont occupé les sophistes), ce langage s’est aujourd’hui rapproché des mathématiques. En effet, l’essentiel de ce qu’on peut appeler la logique peut être relié à la théorie des ensembles, qui est une sorte de squelette commun aux différentes branches des mathématiques. Construite à partir d’un nombre minimal de notions de base : élément et ensemble, appartenance et exclusion, correspondances, etc…elle s’applique à des ensembles d’objets clairement identifiables, aux propriétés connaissables sans trop d’ambiguïté, et donc notamment aux objets étudiés par les mathématiques. Rappelons que pour Henri Poincaré, « La mathématique est l'art de donner le même nom à des choses différentes ».

Lorsqu’on invoque la rigueur logique, on s’intéresse souvent aux enchaînements d’un certain degré de complexité. Ceux qui sont les plus simples sont qualifiés par les mathématiciens de triviaux, avec une pointe de mépris. De là sans doute vient l’idée reçue que la pensée logique est caractéristique du cerveau des animaux que nous qualifions de « supérieurs ». Pourtant, cette capacité se fonde à l’évidence sur une organisation élémentaire du système nerveux, que l’on retrouve chez de nombreuses autres espèces. Les réflexes conditionnés ne sont-ils pas une amorce embryonnaire de l’anticipation des causalités ? De même notre capacité à synthétiser nos perceptions a des fondements logiques, par exemple dans le processus qui passe d’une succession de stimuli sur notre rétine à la compréhension dans notre cerveau de l’approche d’une personne connue. Identifier dans une succession de taches un mouvement dans l’espace, identifier par certains caractères une silhouette ou un visage familier suppose un système complexe de traitement de l’information sensitive qu’on trouve non seulement dans le cerveau humain, mais aussi chez nombre d’animaux pas toujours « supérieurs ». Le parallèle de la simulation informatique nous éclaire aujourd’hui sur les fondements logiques de ces processus.

Il reste vrai cependant que notre aptitude à énoncer et transmettre ce langage nous permet d’être éduqués et d’éduquer nos descendants avec une efficience qui n’a pas d’égale chez les autres espèces vivantes
.

La connaissance est-elle toujours fondée sur la logique ?

La logique est donc l’une des façons dont notre cerveau appréhende le monde. Elle n’est pas la seule, car les perceptions déclenchent en nous d’autres types de résonances qui pour n’être pas aussi clairement structurées n’en sont pas moins marquantes. Les émotions sensibles sont très souvent prépondérantes, et cela montre bien que la logique ne suffit pas toujours à donner force aux réalités. Des réminiscences suscitées par des odeurs ou des sons peuvent avoir autant et même souvent plus de force qu’une réalité logiquement expliquée. Du reste, lorsqu’on oppose le sensible au raisonnable, on ne fait que confirmer la grande importance des autres perceptions du monde. A l’esprit de géométrie qui relève de l’art de persuader Pascal ajoutait l’esprit de finesse, s’adressant au cœur pour obtenir son agrément.

Mais en fin de compte, ce qui passe par la démarche logique est en général susceptible d’être partagé plus largement ou de façon moins éphémère, car l’argumentation logique permet de propager les idées sans faire appel aux passions. Même s’il faut toujours compter avec quelques irrationnels réticents, la pensée rationnelle reste une méthode fondamentale pour donner corps aux idées et pour les répandre.

On peut ainsi expliquer la place prépondérante prise par la démarche scientifique dans la construction de vérités « universelles ».

Peut-on échapper à ce qui est logique?

Désigner un phénomène comme logique revient souvent à le caractériser comme inéluctable. De tels arguments sont souvent employés dans les débats pour tenter d'emporter l'adhésion. "Qu'on le veuille ou non, on n'échappe pas à la logique de ...." "Si vous faites tel ou tel choix, il s'en suivra mécaniquement telle ou telle conséquence" etc...

De tels raisonnements ne sont pas tous valides et pour en juger correctement, il importe de vérifier si les logiques invoquées sont bien construites, et si leurs fondements sont vrais et vérifiés. En effet, certaines "logiques" supposées déterministes relèvent en réalité de l'induction, qui est un raisonnement légitime, mais moins fort (pensons aux "enseignements de l'histoire" qui ne sont pas strictement déterministes). D'autres fois, ce sont les points de départ qui sont incertains ou même faux. C'est ainsi que fonctionnent des pseudo-sciences telles que l'astrologie qui a abusivement extrapolé à partir d'"observations" empiriques en réalité très confuses, mais l'exemple le plus caractérisé est celui de certaines "théories économiques", qui postulent (par commodité de calcul) un comportement des acteurs manifestement contraire aux réalités observées. Parfois aussi on traite de problèmes qui ne relèvent pas du raisonnement logique mais d'un autre ordre d'appréciation. Le décalage entre
la morale et le droit (dont les spécialistes vantent la logique) est parfois utilisé avec cynisme par certains acteurs sociaux.

Une fois ce tri opéré, il reste effectivement des logiques auxquelles on ne peut se soustraire. L'individu humain n'est pas près d'échapper à sa condition biologique, notre action sur le monde reste soumise aux lois de la physique, et l'humanité n'échappera pas à ce qu'implique la finitude de la Terre.

Même si on peut comprendre qu'on puisse alors parfois chercher des échappatoires dans l'irrationnel, il est sans doute plus productif d'accepter ces constats et d'en faire le fondement d'une sagesse raisonnée.

Le monde est-il régi par la logique ?

Malgré nos efforts, bien des choses ne peuvent pas être décrites logiquement. Les lois physiques des gaz ne sont pas près de rendre compte complètement de la forme d'un nuage, et la théorie du Big-Bang ne dit pas grand chose sur la carte du ciel. Les neurosciences n'expliquent pas l'émotion ressentie à l'écoute d'une pièce de J.S. Bach. Tout dans la Nature ne relève pas de la logique (ou d’une logique), mais les phénomènes réels obéissent à des lois physiques, et notre connaissance même partielle de ces lois naturelles est largement confirmée par l’efficacité de nos actions. En déclarant que « le livre de la Nature est écrit dans un langage mathématique », Galilée fait surtout un acte de foi. Quoique relativement simples, les structures de la logique permettent d’aller assez loin dans l’analyse de la complexité du monde. Elles nous ont permis d’affiner nos observations par les mesures, les comparaisons, les classifications et d’établir des corrélations causales. Devant ce monde régi par des lois, on est donc légitimement tenté de penser à un grand ordonnateur du monde doté comme nous d’une intelligence. Pour schématiser, l’idée monothéiste d’un grand ordonnateur unique (surpuissant et encore en grande partie impénétrable ) est allée de pair avec les progrès (et les ambitions) de la connaissance scientifique pour supplanter l’explication d’un monde animé par une multitude complexe d’esprits antagonistes ou de génies capricieux.

Une autre façon d'adhérer à ce postulat de l'intelligibilité logique du monde est de croire qu'il est intrinsèquement déterministe. Je parle de croyance en ce sens qu'il s'agit ici d'une extension à priori du constat (il est vrai bien ancré dans les observations du réel) que chaque évènement a une cause, connue ou non connue et qu'un sujet de curiosité essentiel est d'explorer toutes ces causes qui nous sont encore inconnues. Il semble que l'analyse de la complexité des choses, notamment en lien avec l'interaction inévitable entre observateur et chose observée, fasse de cette quête infinie des causes une impasse. Autrement dit, l'existence (à certaines échelles) de lois déterministes n'est pas toujours vérifiable et nous devrons toujours penser une part du monde en termes de hasard.

C'est une des raisons (mais pas la seule) pour laquelle beaucoup de choses nous sont incompréhensibles,  de nombreux phénomènes relevant pour nous du chaos ou étant tributaires de ce que nous appelons le hasard. Nous devons donc aussi admettre que le monde n’est qu’en partie saisissable par la raison, et que les cosmogonies polythéistes pouvaient parfois mieux rendre compte de cette irrationalité du monde. Si on peut à bon droit admirer le niveau de compréhension des choses atteint par l’humanité, et souligner son efficience, nous devons aussi garder à l’esprit tout ce que notre intelligence s’abstient de traiter.

De très vastes domaines restent hors de notre compréhension logique, malgré les tentatives constantes des mathématiciens qui ne sont pas près d’épuiser les sujets. Malgré les siècles de travail accumulé et la sophistication de la pensée mathématique, nous restons limités par nos capacités d’analyse et les structures de notre langage. La persistance des croyances magiques superstitieuses ou religieuses et surtout de l’invocation du hasard est révélatrice du nombre de phénomènes auxquels nous ne pouvons attribuer aucune logique.

Y a-t-il une seule logique ?

Une des voies possibles pour prolonger la lecture logique du monde lorsqu’elle bute sur des obstacles consiste à « changer de logique ». Ainsi le passage d’une approche strictement déterministe à une approche probabiliste a-t-il ouvert de nouveaux horizons de connaissance.
A ce sujet, il faut se rappeler que le langage mathématique a aussi son autonomie. Comme le dit Bertrand Russell, « les mathématiques sont la seule science où on ne sait pas de quoi on parle ni si ce qu'on dit est vrai ». Et de façon surprenante, lorsque les mathématiques en viennent pour des raisons internes à développer des concepts apparemment étrangers au monde réel, certains de ces concepts peuvent ensuite trouver des applications en physique. Il en est ainsi des nombres imaginaires, des espaces courbes non euclidiens, ou des espaces à dimensions multiples. Pourrait-il en être de même pour la logique ?

Ainsi certains en sont-ils venus à se demander, en regardant les postulats sur lesquels est construite la logique « standard », s’il ne serait pas judicieux de construire des formes de logiques différentes, cohérentes dans leur développement, mais fondées sur des postulats différents, éventuellement contraires à notre sens commun. Il ne faut pas exclure que de telles constructions puissent un jour donner des outils pour décrire avec logique certains phénomènes qui nous échappent, et donc pour les comprendre. Pour l’instant, ces constructions ne sont pas vraiment sorties de l’abstraction des laboratoires, et la pensée humaine ordinaire, faute de mieux en reste réduite à manipuler, toujours avec un relatif succès, des formes de logique plutôt « traditionnelles ».

Y a-t-il un lien entre raison et morale, entre logique et éthique ?

La puissance de l’argumentation logique incite à l’appliquer à des domaines aussi importants que le bien vivre en société. On peut ainsi comprendre les nombreux philosophes qui se sont attachés à fonder logiquement l’éthique. Ce qui sous-tend cette démarche est l’ambition de définir un bien qui soit universel, et non attaché à une religion, à une culture ou tributaire d’une subjectivité. Peut-on dire que les notions de bien et de mal relèvent du vrai ou doit-on plutôt les relier aux sentiments et aux affects ? Malgré leur nature largement subjective, ces sentiments et affects ne peuvent-ils pas être traités par le raisonnement pour définir le bien avec plus de rigueur ?

Ce fut une des grandes ambitions de Spinoza que de fonder l’éthique « selon l’ordre géométrique », c’est à dire d’en démonter la logique à partir de concepts élémentaires rigoureusement enchaînés. Ainsi à partir d’une explication des comportements par les sentiments de sympathie ou d’aversion que les humains d’une société nourrissent les uns envers les autres, il poursuivit le raisonnement vers la recherche du bonheur personnel et collectif. Malgré leur forme très difficilement lisible, on s’accorde à voir dans ces textes une réflexion sur l’harmonie sociale très sage et très lucide quant aux pulsions qui agitent les êtres.

Bien d’autres après lui, au premier rang desquels l’incontournable Kant, ont cherché à établir logiquement les fondements éthiques, à définir rigoureusement le bien, mais la perfection de leurs constructions n’a pas résisté aux remises en causes angoissées du XIXème et du XXème siècle. Aujourd’hui encore, le cynisme pragmatique de la realpolitik semble tout aussi logiquement construit que la morale des grands principes universels. Il faut probablement accepter cette évidence que ce n’est pas tant la rigueur logique de la construction qui fait la validité d’une éthique que sa capacité à s’appliquer positivement aux cas qui se posent à l’individu ou au groupe.

Les sources théologiques ou métaphysiques de ces raisonnements ont perdu leur force, notre puissance d’action directe et surtout indirecte a considérablement changé, ainsi du reste que notre conscience d’agir Les notions de liberté et de choix ont aussi évolué avec la complexification du monde contemporain. S’il est bon de raisonner logiquement, c’est moins parce que le bien est au bout, mais parce que nous espérons par là parvenir à une conviction partagée.

Une tentative marquante pour fonder une éthique contemporaine à partir d’une analyse métaphysique est celle de Hans Jonas, reconnu comme un des piliers de la pensée écologiste. En postulant l’absurdité d’une éventuelle autodestruction de l’humanité, il donne à la préservation de la biosphère le rang d’un impératif catégorique
.

Mais il est vrai que l’adoption d’une telle éthique passe le plus souvent par bien d’autres raisons, sensibles, intuitives ou culturelles, moins rigoureuses dans leur construction mais tout aussi convaincantes. L’émerveillement devant une nature préservée, l’attachement à une culture menacée par la mondialisation marchande, l’inquiétude de voir ses descendants confrontés à des crises difficiles sont des raisons tout aussi légitimes d’adhérer à cette éthique écologiste.

Il est finalement heureux que les comportements vertueux soient plus souvent dictés par des élans psychologiques que par des arbitrages rationnels. Ne serait-ce que pour s’opposer à l’amoralisme revendiqué par une certaine pensée économique, il est important de ne pas oublier le rôle de l’empathie comme fondement principal de l’éthique.

Si on en croit les observations des éthologues, la notion de bien doit être reliée avec la façon dont notre réseau de sympathies se construit au fil de l’éducation, et avec les règles sociales qui sont ainsi propagées d’un individu à l’autre. La validité de ces règles tient plus à la stabilité et à l’harmonie qu’elles confèrent aux sociétés qu’à la logique de leur construction
. Il reste qu’aujourd’hui l’aboutissement de la mondialisation change radicalement les conditions de coexistence des sociétés entre elles et avec leur environnement, et donc aussi les critères de stabilité et d’harmonie sociale. Les postulats d’abondance matérielle qui ont fait le succès des sociétés productivistes sont incompatibles avec les limites planétaires, et les collisions culturelles induites par le développement de la mobilité ébranlent les certitudes.

La pensée articulée permet au moins de repérer les contradictions, les absurdités ou même les méfaits de l’éthique propagée au nom de la raison par l’occident, et de tenter de faire le tri entre les idées réellement acceptables comme universelles et celles qui ont fait leur temps
.

Ce qui est rationnel est-il raisonnable ? Y a-t-il de l’excès en logique ?

Selon une habitude bien ancrée qui cherche à remonter aux fondements, il n’a pas manqué de philosophes pour explorer et questionner la bonne construction de la logique. Cette quête, dont l’enjeu implicite est la validité d’un immense édifice philosophique a parfois révélé des côtés assez surprenants. Evasion dans des jeux de pensée paradoxaux, obstination à théoriser des concepts rebelles, enfermement dans une abstraction insaisissable, certains des analystes parmi les plus aigus ont ainsi été conduits parfois jusqu’à la folie. De même que la science a connu des savants fous, la philosophie a connu des philosophes fous, et parmi eux de très éminents logiciens.

La pratique de la logique ne mène donc pas nécessairement à la sagesse. La certitude conférée par la logique peut ainsi être excessive ou mal placée, mener à une radicalité asociale, et se heurter à des réalités malgré tout contraires
. Lorsque l’édifice logique est complexe, il n’est pas toujours facile d’en déceler les failles, ou de remettre en cause des concepts fondamentaux non conformes aux réalités, mais qui jusqu’à un certain point semblaient avoir mené au succès. Ainsi, malgré toutes les mathématiques qu’ils ont mis dans leurs théories, les économistes orthodoxes sont-ils aujourd’hui incapables de saisir la folie financière qui contredit si ouvertement leur théorie de l’équilibre spontané des marchés.

Ces tenants du libéralisme économique ont beaucoup fait pour croire que des égoïsmes rationnels d’une multitude d’homo oeconomicus calculateurs pouvaient produire une harmonie sociale. Paradoxalement, en contradiction complète avec ce postulat de l’acteur rationnel, ils n’ont pas récusé le recours à la manipulation psychique par la propagande publicitaire. La supposée rationalité de l’économie serait morale car fondatrice d’un bonheur collectif, mais il pourrait également être bien, au nom de la prospérité économique, de manipuler les esprits en s’adressant à la partie la plus reptilienne du cerveau. L’esprit de lucre qui sous-tend ces deux raisonnements a sa logique, mais c’est une logique à très court terme.

Rationalité et rationnement.

Pour conclure sur ce chapitre consacré à la raison, je crois intéressant de souligner la parenté étymologique qui unit rationalité et rationnement. Comme la raison et le raisonnement, ces mots ont à voir avec le calcul, le compte juste, et la justification.

Dans notre société de consommation où l’on s’est enivré tout au long des trente glorieuses pour oublier les privations de la guerre, le rationnement est tout simplement une horreur impensable. Evoquer la finitude de la Terre, la croissance de l’humanité et les pénuries de divers ordres qui pourraient en résulter, c’est ressusciter l’horrible Malthus, et les calculs les plus rationnels ne démontreront rien. Il me semble pourtant inévitable quoiqu’on pense, de voir un jour revenir ce mot de rationnement qui désigne un partage proportionné, une gestion raisonnable de la pénurie, comme sont revenus dans le débat d’autre mots autrefois frappés d’un véritable tabou, tels que protectionnisme ou régulation. Le rationnement, un partage pacifiquement consenti, prévoyant et équitable, sinon parfaitement égalitaire, n’est-il pas préférable à la violence et à l’injustice des conflits engendrés par la rareté ? Le vrai problème aujourd’hui, n’est peut-être pas tant ce rejet culturel du rationnement que la difficulté à mettre en place un système d’arbitrage à l’échelle de ces problèmes, c’est-à-dire notamment au niveau mondial. On a déjà vu l’amorce d’un tel processus avec les engagements pris au premier sommet de Kyoto, qui rationnaient (partiellement et sur une base de volontariat) les émissions de gaz à effet de serre, on voit les difficultés qui subsistent lorsqu’il s’agit de poursuivre ce premier pas. Comment s’organiseront les hommes pour gérer pacifiquement des pénuries d’énergie, d’eau, ou de minerais en voie d’épuisement?



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