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Tous dans le même bateau ? sur les mêmes rails ?


La politique a depuis longtemps donné lieu à des métaphores voyageuses.

Les peuples sont en marche
, formant des caravanes ou des convois, ils ont pris le train du progrès, sont embarqués dans le même bateau (mais pas dans l’avion, trop risqué ?). Nous faisons confiance à nos guides, nos capitaines sont à la barre, nous donnons les commandes à nos pilotes, (pas à un chauffeur, trop subalterne ?). leur mission est de prendre la bonne direction, de bien naviguer, pour arriver à bon port. Que disent plus précisément toutes ces métaphores sur nos conceptions de la société ?

Oublions la caravane (marche ou crève), les troupeaux et les pasteurs des temps bibliques, et éludons la question catastrophiste « Y a-t-il un pilote dans l’avion ? » . Intéressons nous au bateau (la galère, la croisière ou le Titanic ?) et au train, qui transportent beaucoup de monde, ou encore à la transhumance routière des vacances. Notons que dans ces trois exemples, les voyageurs nombreux sont pris en charge dans un monde organisé pour eux, en principe sécurisé, agréable et efficace, et qu’ils partagent plus ou moins une destination commune. C’est probablement ainsi que nous imaginons l’humanité dans notre monde de progrès: une aventure commune, belle, optimiste et sans risque.
Plusieurs questions peuvent être posées:
  • notre chemin est il libre ou contraint, sommes nous sur une mer ouverte, dans un fleuve, sur des rails, sur un réseau routier ?
  • qui rame, qui active le moteur ? au contraire, sommes nous le jouet des vents et des courants ?
  • qui commande, qui pilote, qui conduit? des dirigeants, des élus, tout le monde, personne?
  • quels sont leurs buts, leurs aptitudes pour cette navigation ?
  • où cela nous mène-t-il, n’importe où au hasard, vers un destin radieux, vers une zone de tempêtes, dans le mur, vers le précipice ?
  • si une difficulté ou un obstacle se présente, devons nous et pouvons nous le franchir? ou au contraire freiner, reculer, prendre un virage, pour contourner ou éviter l’obstacle ? pouvons nous descendre du train, quitter le navire, sortir de l’autoroute, faire dissidence ?
  • lorsque nous affrontons les difficultés, sommes nous solidaires, dans une logique d’entraide et de partage, ou divisés, inégaux, et préoccupés de notre seule survie ?
En posant ces questions, peut-être pourrons nous au moins mettre au jour par allusion certains sous-entendus de la politique.

La première question est sans doute celle des buts: qui les définit avec quelle légitimité et pourquoi ? C'est certainement un acquis fondamental de a démocratie que de parvenir en principe à une détermination collective et si possible égalitaire de ces buts. Les élections nomment des représentants engagés sur des programmes, et ils contrôlent l'action des gouvernants qui sont supposés orienter l'action collective dans le respect de ces buts. Ceux qui accèdent au pouvoir par la procédure démocratique sont normalement des gouvernants et non des dirigeants Leur cap est fixé par le peuple et non décidé par eux. Evidemment ce sont là des principes qui sont loin d'être appliqués à la lettre. Les interactions complexes, par médias interposés, entre les gens de pouvoir et le peuple font que la réalité des démocraties est notablement différente. Au moins un certain contrôle s'exerce-t-il en principe lors des échéances électorales.

Lorsqu'on compare la politique à la navigation, on fait en général silence sur cette question des buts. Passagers du train, du bateau ou de l'autoroute, nous sommes supposés savoir où cela nous mène et l'avoir accepté par notre embarquement. Il en est tout autrement dans une société, car le citoyen n'a en général pas choisi d'y être né, d'y avoir été socialisé, et que le plus souvent, il n'est pas un occupant temporaire (un passager) puisque c'est sa vie entière qui se déroule dans ce cadre. C'est d'autant plus vrai lorsqu'on se pose ces questions à l'échelle de la planète et qu'on se soucie de l'instauration d'une gouvernance mondiale, car s'il était autrefois possible de quitter un pays pour rechercher l'espoir ailleurs, il est aujourd'hui difficile d'échapper aux logiques galopantes de la mondialisation.

Dans les trains comme dans les bateaux, il y a deux sortes d’occupants, les passagers qui doivent être tranquilles et confiants, et les dirigeants aux commandes, qualifiés et seuls maîtres à bord. Malgré un confort variable selon les classes, les trains et les bateaux sont égalitaires, tous les passagers allant à la même vitesse

Le train sur ses rails, ne connaît comme régulation que celle de sa vitesse, il est orienté par des aiguillages (manœuvrés comment ?), et ne doit pas courir le risque de dérailler. Le navire dépend plus ou moins des vents et des courants, et éventuellement du bon fonctionnement de ses machines, sa route est plus libre (sauf dans les passages canalisés) mais elle peut être parsemée d’aléas : tempêtes, calmes plats, récifs, etc…

Ni le bateau (isolé dans l’océan), ni le train (attaché à ses rails) ne sont des lieux de liberté.
Ces véhicules fermés sont tout au plus des lieux d’insouciance. Ils ne sont pas des lieux démocratiques car c’est la compagnie ferroviaire ou maritime qui choisit l’équipage, en principe compétent et expérimenté. Le pilote, le capitaine voyagent aussi mais ne sont pas des passagers ordinaires (à moins d’une mutinerie ?)

Dans les deux cas, qu’on soit ou non d’accord sur l’itinéraire et la façon d’aborder les dangers, tous sont de fait solidaires du sort commun, ne pouvant y échapper qu’au prix de risques inconsidérés (quitter le navire sur un petit esquif, descendre du train en marche ). L’accident, déraillement, collision, naufrage, est une catastrophe pour tous, mais il peut y avoir des rescapés (contrairement à l’avion)

La logique de l’autoroute est un peu différente : chaque voiture y est indépendante
, chacun vit son voyage en fonction de la voiture et du comportement de son conducteur ; certains y font même la course, malgré les gendarmes et leurs radars. Il y a en effet des règles : pour la sécurité du trafic un certain conformisme est de rigueur. Efficace mais régulée, l’autoroute n’offre qu’une liberté contrainte. Si la contrainte est trop pesante, on peut parfois sortir pour prendre les chemins de traverse, la liberté se payant alors par une moindre efficacité et un risque moins contrôlé.

L’initiative, plus également répartie suppose aussi que les compétences soient partagées : chaque automobiliste est détenteur du permis de conduire. Cette répartition du pouvoir n’empêche pas les conflits ni les dangers, bien au contraire. L’automobiliste doit être responsable, seuls ses passagers ont encore droit à un peu d’insouciance, à moins qu’ils ne doivent aider le conducteur à s’orienter. Ajoutons que sur l’autoroute, les solidarités de destin sont moins fortes, sauf curieusement en cas de blocage total du trafic, lorsqu’un mauvais fonctionnement abolit toute liberté (ce qui est en principe temporaire).

Dans tous les cas, le bon déroulement du voyage suppose une bonne maîtrise, quelle qu’en soient les modalités, de la vitesse et de la direction par celui ou ceux qui pilotent. Ils ont aussi besoin d’une bonne visibilité et d’une capacité suffisante d’anticipation.

Bien entendu, ce ne sont que des métaphores, et même si c’est un jeu instructif, il ne faut pas trop chercher à pousser l’interprétation. Il reste pour conclure que si ces images permettent chacune à leur manière d’évoquer divers enjeux de gouvernance, un des problèmes cruciaux de l’humanité mondialisée d’aujourd’hui est avant tout celui de notre destination. Où mènent les rails du train ? que nous prédisent les panneaux de l’autoroute ? vers quelles terres inconnues navigue notre flottille ? Qui prend le temps de vérifier le cap, de consulter la carte ? N’aurions nous pas sans le savoir depuis notre départ, pris une autre direction ou dépassé notre destination ? ne serions nous pas engagés dans une impasse ?. L’avons-nous seulement vérifié, depuis que nous nous sommes embarqués dans l’aventure du progrès ?



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