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Horizons


Dans notre recherche de connaissance, il existe des limites qui tiennent à la nature des objets étudiés et aux moyens de connaissance. On emploie le mot d’horizon, par comparaison avec ce qui limite notre champ visuel sur terre (en l’occurrence, la position de notre œil et la forme convexe de la terre). Sauf à changer notre moyen d’observation ou notre point de vue, l’horizon ne peut pas être dépassé.

En développant leurs outils d’observation, les hommes ont étendu le champ de leur connaissance, et leur succès dans ce domaine les incite à penser que leur soif de savoir, si loin qu’elle aille, sera toujours satisfaite, que c’est juste une question de temps et de moyens. Il me semble pourtant qu’on pourrait sérieusement se poser la question de savoir si notre curiosité ne s’arrête pas sur des horizons, qui certes reculent lorsque nous progressons, mais qu’il devient de plus en plus déraisonnable de chercher à dépasser. Attiré par l’horizon, notre regard se porte sur le lointain, en oubliant parfois de nous intéresser sérieusement à ce qui nous entoure, sous le prétexte que ce domaine nous serait déjà trop familier. Peut-être est-ce plus une question de pertinence des questions que de puissance de résolution.

Le monde de notre connaissance déjà vaste, est limité aujourd’hui par divers horizons :
  • Horizon de distance : l’univers observable depuis notre position est limité par la vitesse de la lumière et le phénomène d’expansion. Au delà d’une certaine distance, les signaux de ce qui s’éloigne trop rapidement ne peuvent plus nous parvenir.
  • Horizon de temps : Les moyens d’investigation actuels des physiciens ne peuvent remonter dans le temps, au delà de certaine limites. L’astronomie peut explorer le passé de l’univers, mais avant l’émission de la première lumière, un laps de temps de 380 000 ans entre le Big Bang et la libération de ce rayonnement est fermé à leurs observations. Cette période n’est connaissable qu’indirectement par des spéculations théoriques à partir d’expériences de laboratoire, et l’avant Big-Bang (si ce terme a un sens) est lui-même inconnaissable. Pour ce qui est du futur, la prévisibilité exacte des systèmes à partir d'une certaine complexité est rendue impossible au delà d’une certaine durée  par ce qu’on appelle leur évolution chaotique.
  • Horizon d’échelles : lorsque les dimensions sont trop grandes ou trop petites par rapport à ce qui nous est familier, nous ne percevons les phénomènes qu’à travers des systèmes de mesures qui nous donnent une compréhension intellectuelle, mais pas sensible. Nos subterfuges mathématiques ne nous évitent pas de confondre les catégories d’infiniment grand ou d’infiniment petit. Nous devons faire un gros effort pour comprendre que la différence entre 1019 et 1023 est énorme, parce que nous ne voyons que la différence entre 19 et 23 limitée à 4.
  • Horizons de complexité et de précision : Il y a des complexités de problèmes et des degrés de précision que nous ne savons pas traiter, et la véritable difficulté est de savoir à quel point le mode de simplification que nous utilisons pour traiter la question est trompeur. Ce problème de complexité se rencontre notamment dans les questions de société ou dans l’économie qui traite les questions d’argent à l’échelle de la société. La microéconomie ne débrouille que très partiellement ces questions et souvent au prix de simplifications fallacieuses. Faute de mieux, la gouvernance économique raisonne en général sur des moyennes réductrices. La bonne compréhension de systèmes physiques de grande taille se heurte aussi à un mur de complexité. Par exemple, il n’est pas fortuit qu’une des recherches qui mobilise les plus grandes ressources en puissance informatique soit celle de modèles satisfaisants de prévision climatique.
Ayant compris que l'horizon, est une limite à notre connaissance, mais pas une limite réelle du monde, nous regardons au loin avec une grande frustration. Nous ne pouvons nous empêcher de chercher à savoir ce qu'il y de l'autre côté. Un certain nombre de moyens indirects, mais rationnels permettent effectivement d'avoir des connaissances au delà de ce que peut embrasser notre regard. L'aspect du ciel la nuit permet de pressentir la proximité d'une ville éclairée même si on ne la voit pas encore, le comportement des oiseaux de mer permet au marin expérimenté de pressentir la proximité d'une terre. C'est un raisonnement comparable que font les scientifiques pour essayer de connaître un peu mieux l'espace-temps très lointain. En faisant cela, on postule aussi que le monde au delà de l'horizon a des propriétés similaires à celles du monde connu, qu'une lueur dans le ciel peut provenir d'une ville éclairée, que des îles parsèment la mer et que certains oiseaux s'en éloignent rarement, que les mêmes lois physiques s'appliquent à l'univers lointain ou aux temps très anciens. Les grands voyageurs de la Renaissance n'ont osé entreprendre leurs voyages qu'en faisant le pari de trouver des conditions de voyage et d'escales possibles, des mers navigables, du vent, des terres peuplées de plantes et d'animaux comestibles, habitées par des hommes dont on pouvait espérer de l'aide.

Il y a aussi des façons moins rationnelles de combler cet espace en le peuplant de fantasmes heureusement (ou hélas?) lointains. Cet au delà de l'horizon est un terrain de jeux privilégié pour toutes sortes de conteurs, de poètes, d'illuminés, doux rêveurs ou faux prophètes, auteurs de science-fiction ou pseudo savants, qui profitent de notre frustration avec ou sans notre accord, innocemment ou pour nous manipuler. Un retour sur l'histoire des connaissances montre bien comment en augmentant son territoire, la science a peu à peu délogé les dieux et les religions, ainsi que les métaphysiciens les plus sérieux. Reste que même repoussés au loin, l'horizon persiste encore, et que son au delà continue encore comme avant de susciter rêveries et spéculations. Laissons-les se développer, mais avant de leur accorder trop de crédit, pensons aussi au regard que la connaissance la plus objective porte aujourd'hui sur les conceptions religieuses ou métaphysiques soutenues il n'y a pas si longtemps par certains de nos plus grands esprits.

L’humanité accepte mal cette limite à sa curiosité, et prolongeant des siècles de recherches, consacre d’énormes efforts pour porter son regard au delà des horizons actuels. Motivée autant par la pure curiosité que par le mirage d’hypothétiques conquêtes, elle pense encore être à l’image des conquérants du nouveau monde cherchant l’Eldorado. On peut pourtant se demander si à trop chercher le dépassement de ces limites, on n’en oublie pas les problèmes qu’il faudrait résoudre à l’intérieur de notre monde connu. Car si les horizons de la connaissance sont aujourd'hui assez reculés, ceux de notre vie matérielle restent inexorablement ancrés à notre planète. Il a fallu quelques siècles aux Européens pour faire connaissance avec l'ensemble du globe et entrependre de le mettre en coupe réglée, mais l'extrapolation de cette attitude envers le reste du système solaire (pour ne même pas parler de voisinages plus lointains) se heurte à des obstacles d'un ordre bien supérieur. L'humanité ne s'extraira pas aisément de la biosphère.

Après avoir fait le tour de son île, Robinson Crusoe n’est pas resté figé à scruter l’horizon en pure perte. Ayant compris son isolement et la nécessité où il était de tenir longtemps, il s’est organisé pour gérer ses ressources, organiser sa nourriture et son abri.



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