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Banc de poissons

Pourquoi la science s’intéresse-t-elle aux bancs de poissons ? On sent confusément qu’il y a là un objet d’étude capable d’éclairer le rapport entre l’individu (le poisson) et le collectif (le banc). On est dans la recherche du lien entre les lois élémentaires régissant le comportement de chacun avec celles du comportement d’ensemble du groupe. Plus largement, cela s’inscrit dans l’intérêt pour ce qu’on appelle les comportements grégaires, autant pour leurs effets positifs que pour leurs inconvénients. On peut aussi envisager de réfléchir à la liberté d’un élément pris dans la logique collective.

Ainsi certains éthologues cherchent à comprendre comment se forment les bancs de poissons, quelle peut en être l’utilité pour l’espèce, quelles conséquences on peut en tirer pour la pêche (qu’il s’agisse de maximiser les prises ou au contraire de s’inquiéter des risques de surpêche). On trouve aussi des cybernéticiens qui modélisent le comportement observé du poisson et cherchent à en déduire les effets au niveau du grand nombre, à analyser la réaction collective dans différentes circonstances. Il y en a notamment qui sont intéressés par le fait que même serrés dans un banc, les poissons semblent ne jamais se toucher, et qui envisagent des applications pour le guidage automatique des voitures.
Probablement se trouve-t-il aussi des sociologues ou des économistes qui cherchent à transposer aux comportements collectifs humains ce qui apparaît dans ces bancs de poissons.

Le banc de poissons n’est pas le seul exemple de grands groupes d’individus, mais c’est un des plus séduisants, autant par sa magie visuelle que par l’idée qu’une modélisation paraît possible. Ce groupe d’individus nombreux, apparemment libres et égaux, semble un juste milieu entre simplicité et complexité. On s’intéresse également aux vols d’oiseaux, aux troupeaux de ruminants, aux insectes sociaux, et aussi à des exemples plus inquiétants comme les échouages de baleines, ou le suicide collectif des lemmings. Les chercheurs tentent de mettre en évidence dans ces cas particuliers des lois généralisables pour mieux appréhender les logiques des comportements collectifs avec l’idée plus ou moins explicite d’en extrapoler les conclusions aux sociétés humaines.

Questions sur l’utilité et le fonctionnement des groupes

La zoologie nous dit que l’intérêt des bancs de poissons (mais aussi des troupeaux, des essaims d’insectes ou des vols d’oiseaux en migration) s’explique par certains avantages du collectif sur l’individuel. Par exemple, dans la recherche de nourriture, l’espace est mieux balayé et les proies ont moins de chance d’échapper à une multitude d’appétits. Dans certains cas, la multitude peut parfois mieux se défendre contre certaines menaces. Les mouvements groupés représentent aussi une économie. Ainsi, les oiseaux en vol dépensent moins d’énergie et se relayent (ce phénomène est aussi bien connu des coureurs cyclistes en peloton) et les manchots groupés sur la banquise résistent mieux au blizzard. A l’inverse il y a aussi des désavantages, car le groupe offre une meilleure cible pour le prédateurs et les attire plus. Un banc est détectable par les sonars de pêche et sa capture représente une grosse perte pour l’espèce. On n’oubliera pas non plus que le passage d’un troupeau ou un vol de criquets peut parfois être dévastateur pour l’environnement.

Les modélisateurs partent de l’idée qu’il y a des règles internes simples qui organisent les mouvements relatifs: marges de proximité, suivisme, parallélisme, éventuellement communication par signaux visuels ou sonores. Dans ce cas, qui détermine l’orientation du groupe ? Si la plupart de poissons ne voient que leurs voisins et règlent leur comportement sur eux, certains poissons jouent un rôle plus déterminant. Ceux qui sont en tête ou aux limites du banc voient plus loin (en avant ou sur les côtés) et peuvent réagir à l’environnement (influençant leurs suiveurs ou leurs voisins).

Les rôles sont-ils fixes ou changent-ils ? Dans certains groupes d’animaux, il y a des « chefs » permanents mais dans ce cas, comment le sont-ils devenus? A l’inverse, dans d’autres groupes, les individus se relayent aux postes clés, donnant l’image d’une démocratie plus égalitaire.

On s’intéresse aussi à la façon dont le groupe se constitue, car les bancs de poissons sont souvent temporaires, liés à des circonstances particulières (chasse, frai, migration, …) D’où viennent les individus du banc, sont-ils nés et ont-ils grandi ensemble ? Pourquoi le groupe est-il cohérent ou se divise-t-il ? Que font ou que deviennent les égarés (arriérés, déviationnistes, avant-gardistes) ? jusqu’où la subdivision du banc est-elle bénéfique ou nuisible ? les chances de survie d’un individu sont-elles toujours meilleures dans le groupe que seuls ?

Et l’homme ?

A quel degré les hommes en société sont-ils comparables à des poissons dans un banc ? Mouvements de foule, engouements des marchés boursiers, emballements de l’opinion, ces phénomènes ont paraît-il des analogies avec le comportement collectif des poissons. Notre compréhension passe souvent par l’artifice d’analogies plus simples, mais sans doute faut-il rester prudent face à une telle réduction des complexités humaines. Creuser cette question, est-ce simplement faire avancer la connaissance sans autre but ? Ces analyses doivent elles permettre de jouer positivement des dynamiques collectives, peuvent-elles aider à mieux les contrôler ou bien, comme dans l’exemple des moutons de Panurge, certains vont-ils chercher à en tirer profit pour mieux piéger les foules?

Les résultats de ces études sont certainement de bons sujets de réflexion, à condition de bien cerner les limites inhérentes au raisonnement par analogie. A un autre niveau, on peut aussi s’interroger sur ce que suggèrent les exemples choisis dans le monde animal pour penser les sociétés humaines : Reine de la ruche et ouvrières, fourmilière, berger et troupeau, meute et mâle dominant, poissons pilotes, veilleurs et lanceurs d’alerte, etc… Ce vocabulaire qui appartient autant à la zoologie qu’à l’observation des hommes est souvent chargé de valeurs. Il montre comment nous nous projetons dans le monde animal tout en révélant notre regard sur nous-mêmes. Faut-il en déduire que ceux qui l’emploient tiendraient en faible estime les foules qu’ils évoquent ou bien qu’implicitement ils admettent notre appartenance (et aussi la leur) à la condition animale ?



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