Ayant choisi de
faire part de mes idées, il me paraît correct que le lecteur puisse
un peu mieux comprendre ce qui dans ma vie personnelle a pu m'y amener.
C'est le seul motif qui me pousse ici à m'exposer quelque peu.
Parcours
Né en 1946 dans la France de l'après-guerre, je suis ce qu'on peut
aujourd'hui appeler un papy-boomer. J'ai grandi en banlieue parisienne
dans une famille nombreuse un peu atypique (
1),
puis j'ai suivi la voie des
bons élèves et atterri à la prestigieuse école Polytechnique où
j'ai consolidé mon amour des sciences et appris l'antimilitarisme (mai
68 dans une institution militaire en plein quartier latin reste pour
moi un temps fort). A l'issue de l'X, j'ai donc logiquement
rectifié ma trajectoire en direction de l'architecture que j'ai étudiée
à Zürich.
Mon double diplôme m'a opportunément permis de faire une carrière dans
l'enseignement de l'architecture, car après quelques années de salariat
dans des agences puis de petite activité libérale, j'ai compris que je
n'étais pas suffisamment bon en affaires pour assurer l'entretien d'une
famille par le moyen de ma seule production d'architecture.
J'ai donc consacré plus de trente ans à essayer de faire passer un
bagage technique
acceptable aux étudiants en architecture de l'ENSA Versailles, à
vulgariser la science et
les enjeux scientifiques importants pour les architectes, et en prenant
ma
retraite en octobre 2012, j'ai trouvé à m'occuper en travaillant à
mon
site, où je poursuis via Internet cette incitation à la réflexion que
je crois si incontournable.
Comment s'est construite ma conviction écologiste
Comme beaucoup de jeunes de mon âge, j'ai cru à la voiture et aux
merveilles de la technique, avec un moment fort lorsque le jour de mes
23
ans, Neil Armstrong faisait ses premiers pas sur la Lune.
Lecteur depuis longtemps de revues scientifiques, j'ai aussi vu émerger
peu à
peu la question écologique dans ce milieu de la science qui pourtant
n'était pas très enclin à questionner ce progrès qui était (et continue
d'être) une motivation pour de nombreuses
recherches.
La publication en 1972 du rapport Meadows et les commentaires mitigés
qu'il a
suscités représente pour moi une date importante.
A cette époque j'étudiais l'architecture et lorsqu'Ivan Illich est venu
à Zürich donner une conférence qui a secoué bien des esprits, j'ai reçu
(et vérifié plus tard) cette idée très pertinente que toute technique
passe dans son évolution par un optimum qu'elle peut rarement
s'empêcher de dépasser, d'où il résulte qu'ensuite, son "progrès"
devient contreproductif.
La mise au jour du
problème climatique avec notamment les certitudes acquises à partir des
carottages de glace polaire au milieu des années 1980 est une autre
date dans ma prise de conscience écologique. Plus tard, alors que ma
conviction était déjà bien constituée (j'avais introduit
ces thématiques dans mes cours depuis plusieurs années), la tempête de
1999 est venue ajouter une dimension concrète à cette nécessité qu'on a
tant de mal à percevoir comme une urgence.
Sans négliger, loin de là, les questions de biodiversité, de ressources
en eau, d'égalité nord-sud ou de risques pour la santé, j'ai la
conviction qu'une large part du problème écologique tourne autour de
l'équation énergétique. En effet la domestication de l'énergie est
essentielle dans l'évolution des civilisations et notre mode de vie est
indissociable de notre grosse consommation (sous forme principalement
fossile, hélas). C'est au nom de cette consommation d'énergie que nous
continuons
à charger pour longtemps l'atmosphère en gaz à effet de serre, ou que
nous nous risquons à gérer (à mon sens assez mal) des productions aussi
dangereuses que l'électricité nucléaire. De plus c'est cette énergie
qui nous donne notre puissance de transformation et même de destruction
des environnements
naturels, notre capacité à développer un commerce fou qui fait fi des
équilibres géographiques, et c'est encore elle qui nous a permis
d'accéder à ces techniques de pointe dont l'usage peut être utile,
futile ou
néfaste, et surtout si souvent excessif.
Si le problème technoscientifique peut s'apprécier et être quantifié
par les moyens de la science, il n'en est pas de même de celui de la
mutation mentale, sociale, et politique qui est nécessaire à la mise en
oeuvre des solutions (car il y a des solutions).
Divers
J'ai eu la chance de pouvoir gagner ma vie en réservant assez de temps
pour
d'autres intérêts que purement professionnels, pratiquant la musique et
le dessin, ou l'observation de la nature. Je me consacre aussi à des
travaux de bâtiment (par nécessité autant que
par goût du travail fait main). Cela me donne le plaisir de vivre dans
une maison en très grande partie autoconstruite, équipée depuis bientôt
dix ans d'un chauffe-eau solaire (un des premiers dans les Hauts de
Seine) et plus récemment d'un bon poêle à bois qui remplace
avantageusement le culpabilisant chauffage tout électrique que j'avais
installé, faute de moyens financiers et d'un savoir faire suffisant en
plomberie. Ayant ainsi notablement réduit ma consommation électrique,
j'ai choisi fin 2013 un fournisseur renouvelable (Enercoop).
Que ce soit dans mes choix en architecture ou dans mes autres
préférences artistiques, j'ai toujours cherché à concilier l'élévation
que peut atteindre la culture savante avec une méfiance viscérale pour
les théories trop élitistes ou ésotériques, et les discours largement
surfaits de bien des initiés.
(1) Avoir un père coréen, de
surcroît homme au foyer et jardinier et néanmoins intellectuel à part
entière était assez particulier, surtout dans
les années 50-60, à quoi s'ajoute que ma mère assez banalement
institutrice était marquée comme toute sa famille par la figure
tutélaire et originale d'un père compositeur de musique.
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