MÉTAPHYSIQUE

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La métaphysique est une spéculation raisonnée s’appliquant à des domaines où la connaissance réelle trouve ses limites. En abordant la métaphysique on s’autorise à prolonger (méta = au delà) des raisonnements  ayant permis la connaissance de la Nature (physique), à formuler de nouvelles hypothèses dans le but de construire des certitudes sur des questions dépassant le domaine de la science. La métaphysique cherche des réponses sur les causes premières du monde, sur ses finalités, sur les raisons de son ordre, ou encore sur le rôle de l’homme dans la nature,  sur la constitution de son esprit, sur le devenir la conscience après la mort de l’individu, etc…

La métaphysique gagne en importance au XVIIIe siècle, lorsque les sciences (notamment l’astronomie) sont en grand progrès et que les grands esprits recherchent une cohérence avec les vérités proclamées par les docteurs de l’église. Les penseurs tels que Descartes, Pascal, Spinoza, Leibniz, puis plus tard Kant et d’autres s’occupent donc à construire des théories métaphysiques qu’ils mettront au fondement de toute philosophie.

Préoccupée de l’existence d’un créateur, des rapports de l’âme et du corps et de l’immortalité de l’âme, cette métaphysique est en fait majoritairement calquée sur la vision monothéiste chrétienne. En effet, ces philosophes concluaient généralement (à moins qu’ils ne l’aient postulé au début) par l’existence d’une grande intelligence ordonnatrice de toute choses, plus ou moins assimilable au Dieu chrétien, permettant ainsi les retrouvailles du philosophe et du théologien. Au passage, en reprenant les questionnements des théologiens, cette « grande philosophie » en quête de fondements absolus s’est enfermée dans un discours jargonneux, inaccessible et coupé des réalités humaines.

L’histoire ultérieure de la connaissance montre que bien des questions que posait cette métaphysique ont plus tard trouvé des réponses différentes, bien souvent contraire aux dogmes religieux, mais construites correctement sur les observations de l’astronomie, de la physique, de la paléontologie, de la biologie, et plus récemment des sciences cognitives.

Après Galilée, Newton, Einstein et Hubble, après Cuvier et Darwin, après Jacques Monod et Jean Pierre Changeux, on ne peut plus disserter sur la substance, sur l’essence, sur l’âme ou même sur l’esprit comme on le faisait au XVIIIe siècle. L’explication du monde donnée par les Ecritures fait partie intégrante de l’histoire des idées, mais elle appartient aujourd’hui au passé. Cela n’exclut pas pour ceux qui y sont encore attachés d’y trouver des leçons de sagesse (et aussi bien des exemples de barbarie). De la même façon, les constructions métaphysiques de Pascal, Leibniz ou Kant ne peuvent plus guère nous éclairer et on est en droit de contester une certaine philosophie érudite qui prétend en permanence renvoyer toute pensée aux fondements établis en leur temps par ces grands noms.

Par définition, la métaphysique va donc au delà de la science, mais elle n'en est pas pour autant indépassable, comme semblent le croire ceux qui la considèrent comme une pensée absolument supérieure, à l'abri de toute critique extérieure. Elle est plutôt destinée à être un jour ou l'autre reprise par les avancées de la science. Soulignons aussi que la métaphysique se différencie de la théologie en ce qu'elle ne cherche pas nécessairement à voir dans l'ordre du monde la volonté d'un supposé esprit supérieur. Cette différence devient essentielle dans un univers qui n'est plus centré sur l'homme. La logique des causes premières ou des fins dernières a dès lors peu de chances d'avoir des conséquences en matière d'affaires humaines, notamment pour fonder une éthique ou des valeurs universelles.

Les métaphysiciens de notre époque sont en réalité ceux qui étudient les particules élémentaires, les premiers instants du Big-bang, les théories de grande unification et notamment la théorie des cordes. La quête métaphysique est aussi dans le génie génétique, dans les exploits de la médecine périnatale ou de réanimation, dans les neurosciences et les sciences cognitives, ou dans certaines recherches cybernétiques. Mais si ces chercheurs peuvent nous faire avancer dans l’élucidation des causes premières ils ne nous diront rien sur l’éthique, sur l’harmonie sociale ou sur les priorités face à la crise environnementale. Bien au contraire, l’inquiétude relative à ces nouveaux savoirs suscite (au delà des peurs primaires) une floraison de comités d’éthique très significative.

Car aujourd’hui des questions pressantes se posent aussi quant à la place de l’homme dans la Nature, et même dans l’Univers, son devenir et celui de la vie sur la planète, qui appellent une nouvelle métaphysique susceptible de donner des bases à une éthique pour notre temps. C’est tout le sens du raisonnement de Hans Jonas qui, dans Le Principe Responsabilité revendique une réflexion métaphysique dont la conclusion est qu’il n’est pas acceptable que l’humanité, par son impact croissant, mette fin à la longue suite évolutive dont elle est l’héritière privilégiée. Le refus de cette éventualité absurde doit ainsi être au fondement d’une éthique manifestant notre responsabilité envers notre planète. Hans Jonas démontre ainsi que la pensée écologiste peut aussi s’enraciner dans la métaphysique sans pour autant avoir à invoquer une divinité de la Nature, Terre, Gaia ou autre. L’intérêt est ainsi de fonder une écologie sur des bases rationnelles, intelligibles dans le monde techno-scientifique, et de laisser ces nouvelles divinités aux poètes ou aux communicants.

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