Hasard

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Il y a des phénomènes prévisibles et d’autres qui ne le sont pas. Certains phénomènes imprévisibles sont parfois attribués à une volonté extérieure plus ou moins bien identifiée. Cela permet (à tort ou à raison) de les intégrer dans un système intelligible.

Mais lorsque des phénomènes imprévisibles ne sont pas attribuables à une volonté extérieure, on parle alors de hasard (vrai). Cette définition peut donc faire du hasard une réalité effective, ou une simple commodité de langage permettant de nommer les insuffisances de notre capacité à prévoir.

Ce qui importe dans ce qui précède est que le hasard est en réalité une notion attachée à un observateur confronté au problème de la prévision. Cette notion est plus attachée à notre faculté d’analyse qu’à la réalité analysée. Toutes les considérations philosophiques (voire pseudo-philosophiques) sur le principe d’incertitude de Heisenberg(*), ou sur le démon de Laplace(**) montrent en effet que la pierre de touche de la notion de hasard n’est pas le phénomène lui-même, mais la prévisibilité de ce phénomène par un observateur

Ainsi, pour qu'un phénomène puisse relever du hasard, il faut que sa causalité soit ou bien très sensible à des impondérables, ou bien d'une complexité qui brouille l'analyse. A partir d'un certain degré, ces aspects font renoncer l'observateur à toute prévision. Il y a donc dans la notion de hasard des aspects psychologiques importants.

La connaissance des causalités est rassurante, et une grande part de la quête scientifique vise à étendre cette connaissance. Face aux obstacles de compréhension ou aux limites de notre interprétation, nous avons du mal à accepter notre ignorance des choses. Nous attribuons donc  ce que nous ne comprenons pas à une ou des volontés cachées (des « esprits » ou des « dieux ») que nous personnifions, pensant ainsi mieux les comprendre. A défaut, nous donnons le nom de hasard à cet horizon de connaissance, ce qui nous permet d’évacuer notre inquiétude en donnant un nom à ce qui est l’absence apparente de cause.

La question de savoir si les causes sont totalement absentes ou si les causes sont infinitésimales est en fait assez spécieuse. On connaît la logique des phénomènes chaotiques (c’est à dire macroscopiquement sensibles à des causes infinitésimales) et la nature en est remplie. C'est ce que la vulgarisation scientifique a popularisé sous le nom "d'effet papillon", faisant allusion à la sensibilité de la météorologie à des causes petites (un battement d'ailes de papillon supposé à terme déclencher un ouragan). Dire qu’un phénomène a une cause infinitésimale plutôt que de dire qu’il est sans cause revient au même en pratique. La seule différence est purement métaphysique et si elle permet de garder une conviction déterministe forgée dans la découverte des lois physiques macroscopiques, elle n’a aucune conséquence sur le plan de l’action, ni sur des notions comme la liberté individuelle ou sur la morale.

Au passage, on remarquera que certaines logiques d’émergence peuvent parfois produire du déterminisme macroscopique à partir de chaos microscopique. On peut aussi observer qu’une logique de sélection par cohérence interne sur une production stochastique peut tout à fait déboucher sur un résultat ordonné (voir la théorie de l’évolution). Ainsi, le hasard qui régit le monde élémentaire ne nous condamne nullement au chaos général.

Le vrai problème du hasard ne concerne pas les causes, mais les buts : par son imprévisibilité structurelle, le hasard rend la question des finalités indécidable. La Divine Providence disparaît. Et c’est donc à nous de penser, dans la mesure de notre pouvoir d’agir, aux fins que nous envisageons pour la marche des choses.

 

 

(*) Impossibilité dans le monde microscopique de connaître avec une précision absolue à la fois la position et la vitesse d’une particule. Cette impossibilité due à la perturbation apportée par l’observation sur le phénomène observé peut être généralisée à d’autres phénomènes.

(**) Être hypothétique qui, dans un univers considéré comme totalement déterministe (Laplacien), connaîtrait la totalité des caractéristiques de composantes élémentaires et serait dont en mesure de prévoir la totalité du futur de l’univers. 

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