PLANETE
Lorsqu'il y a quarante ans,
les expéditions spatiales vers la Lune nous ont envoyé des
photographies de notre planète vue dans son entité depuis l'espace,
elle a cessé de ressembler au globe de carton de nos salles de classe
pour devenir la planète bleue, et nous avons pris conscience de notre
appartenance pleine et entière au cosmos en même temps que de la
finitude de notre petit domaine.
Pour
nous, la planète Terre, probablement si quelconque dans la myriade des
corps célestes, devrait donc apparaître comme extraordinairement unique
et précieuse. En effet, un hasard peu probable mais heureux pour nous a fait régner à sa surface
des conditions physico-chimiques favorables au développement de la vie.
La variété des éléments chimiques (notamment la présence d’eau et de
carbone), les conditions de température et de pression à la surface,
permettant la coexistence d’une croûte solide, d’eau liquide et d’une
atmosphère gazeuse, tout cela a permis l’apparition d’une chimie
complexe à la fois mouvante et stable, cyclique et évolutive, que nous
appelons la vie.
Cette vie est devenue un élément important de la
physique planétaire, notamment parce qu’elle influe sur la composition
de l’atmosphère et sur l’équilibre thermique de surface. Ce sont les
premières formes de vie qui ont produit l’oxygène qui nous est
aujourd’hui indispensable, et aujourd’hui, les rejets de nos activités
influent notablement sur l’évolution du climat.
Notre Terre est à
l’échelle de l’univers un petit grain perdu et dérisoire, mais en
quelques milliards d’années, il s’est couvert de vie, de sensibilité et
de conscience. Nous qui sommes aujourd’hui les agents de cette
conscience de la Terre, et qui avons accompli (du moins nous le
croyons) de véritables prodiges, quel sens pouvons nous donner à tout
cela ? La fin de la Terre prévue dans le cataclysme ultime (mais
lointain) du Soleil nous dispense-t-elle de nous soucier de la durée de
notre espèce à l’échelle des temps historiques ?
C’est dans ces
durées accessibles à notre pensée
que nous devons raisonner l’action de
l’humanité. Ainsi, sans avoir à nous mesurer aux temps cosmiques, qui
ne sont pas à notre échelle, nous pourrons penser au delà de
l’agitation sans perspective de la société de consommation. Nous devons
notamment réfléchir au fait que par la colonisation presque maximale de
la Terre et par l'entrée dans la production industrielle, les hommes sont maintenant devenus des acteurs importants dans l'équilibre de leur planète. C'est ce que Paul Crutzen caractérise en désignant comme "Anthropocène"
une nouvelle période géologique ouverte au début du XIXe siècle. Cette
manière de présenter les choses devrait susciter une prise de
conscience, notamment pour que l'organisation des hommes prenne en
compte la nécessité de préserver certains équilibres essentiels à sa
survie.
Si la Terre est importante, ce n’est pas pour l’Univers, ni même pour elle, c’est pour nous.
C’est
ce que nous disent Hubert Reeves dans Mal de Terre, Edgar Morin dans
Terre-Patrie, ou encore Hans Jonas dans Le Principe Responsabilité.