Emergence de la pensée


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De la « machine » biologique à l’animal pensant

Les êtres vivants, des plus « simples » aux plus « évolués » sont constitués de façon à réagir à certains stimuli extérieurs.

L’évolution a sélectionné en grande partie les réactions qui favorisaient les chances de survie :

·        Mise en dormance ou enkystage lorsque l’environnement devient hostile

·        Multiplication cellulaire « pour » profiter des conditions favorables, ou augmenter la survie face à certaines crises

·        Orientation de la croissance, sécrétion de supports, d’enveloppes, de coquilles

·        Réflexes défensifs, stratégies de fuite, d’évitement, de camouflage

·        Identification des congénères, des partenaires, des ennemis, des proies

·        Etc…

Chez les animaux « supérieurs » et notamment les vertébrés, cette réponse passe entre autres par des organes sensoriels transmettant des influx nerveux perceptifs à un système nerveux central qui produit une appréhension plus ou moins complexe de l’environnement par l’animal. Le traitement de cette information est relativement rapide (comparé aux mécanismes de l’évolution notamment) et il déclenche dans un délai le plus souvent bref une réponse de tout ou partie de l’organisme.

Lorsque le système sensoriel se complexifie et que le système nerveux central comporte un ou des organes de mémoire, ce schéma s’enrichit :

·        Par des processus éducatifs (alimentant la mémoire)

·  Par des processus cognitifs (analyses et comparaisons, identification des stimuli avec des circonstances connues)

·        Par des processus inventifs extrapolant ou élaborant des combinaisons inédites des connaissances.

L’organisme, l’individu, a alors un comportement plus complexe à analyser, il est de moins en moins assimilable à une machine, à une mécanique, à un système fonctionnant selon des causalités simples. Une bonne partie des facteurs déterminant ses réponses aux stimuli ou ses actions sont à chercher au sein même de l’activité du système nerveux central, et dans la mémoire stockée. On peut même observer des actions qui cessent d’être réactives, et qui sont principalement provoquées par l’activité cérébrale. C’est ce phénomène qu’on peut appeler la volonté, c’est cette activité cérébrale qu’on peut appeler la pensée.

Les oiseaux, les mammifères (et probablement quelques autres animaux vertébrés ou non) ont un fort développement de la mémoire et du cerveau « supérieur » Ils développent parfois des systèmes de relations assez riches avec leurs congénères ou leur environnement (systèmes sociaux, comportements reproductifs, migrations, adaptation de leur cadre de vie) dans lesquels la communication joue une rôle important. Cette communication (cris, chimie, gestes) dépasse en richesse et en complexité celle qu’on observe chez d’autres organismes qui pourtant parviennent parfois à des structures assez complexes (insectes sociaux notamment). Une caractéristique importante  de ces activités commandées par le cerveau est leur adaptabilité aux circonstances multiples. Les propriétés biologiques des connexions neuronales rendent en effet assez malléable l’organe de traitement de la mémoire et des apprentissages.

L’homme et les animaux proches

Chez l’homme, l’adaptation au langage parlé a démultiplié la prépondérance de ce fonctionnement, au point de pouvoir substituer aux stimuli eux-mêmes leur désignation par le langage parlé, enrichissant considérablement les processus éducatifs et les contenus mémoriels.

L’organisation en sociétés de plus en plus nombreuses, la mémorisation culturelle (coutumes, traditions orales, aménagement des lieux, écriture et développement des communications) a débouché sur l’histoire des cultures et des civilisations.

Cela éloigne d’autant plus l’individu humain d’un fonctionnement à l’image de la machine, fût-elle une machine biologique, pour en faire un être mû par le traitement cérébral des influences environnementales et sociales. On peut notamment observer que nombre des actions ainsi commandées correspondent à une anticipation relativement élaborée de leurs effets. Un facteur notable de cette capacité à anticiper repose sur la reconnaissance et la mémorisation de régularités dans le monde, et l'emploi d'un langage capable de décrire des causalités, des associations d'idées des catégories d'objes, adaptées au fonctionnement du monde.

Ce que nous appelons pensée, conscience, ou esprit, c’est cette aptitude à faire prédominer l’activité cérébrale pour développer de notre environnement une représentation plus ou moins déconnectée des phénomènes perceptifs. La capacité à agir en fonction de cette représentation plutôt qu’en réaction directe à nos sensations, nous l’appelons volonté, ou libre arbitre.

Il est plus que probable qu’une grande partie des animaux « évolués » sont habités par des formes de pensée similaires, mais à des niveaux de développement plus embryonnaires. Notre difficulté à communiquer directement avec les animaux nous empêche de connaître précisément la teneur de leurs pensées, mais nous en observons les effets dans leurs comportements (éthologie, relations avec les animaux domestiques) et nous sommes amenés à lui donner des contenus par simple extrapolation au vu de nos similitudes biologiques ou lors d’expériences spécifiques avec les primates par exemple.

Très vraisemblablement, à cause de l’absence de langage verbal élaboré, le pouvoir d’abstraction de la pensée animale reste assez confus (comparé à l’homme) même si par ailleurs certains animaux, du fait de systèmes sensoriels particulièrement développés dans certains domaines (odorat, ouïe, sens de l’orientation, etc…), ont une appréhension de leur environnement plus riche.

Sans en avoir toujours des preuves, on peut imaginer que les animaux, même les plus « intelligents », ont une notion du temps, de l’espace, de l’avenir, une conception de la nature ou du bien-être qui restent assez proches de la perception immédiate

De plus, les animaux privés de parole (et à fortiori d’écriture) n’ont pas ces outils de mémoire collective que nous avons acquis, et n’ont pu de ce fait développer au même degré que nous les aspects culturels de leurs comportements.

Limites au pouvoir de la pensée

Cependant, il importe d’abord de souligner que malgré sa pensée, sa conscience et son libre arbitre, tout homme reste encore dans ses comportements largement tributaire de son héritage biologique et animal et que par ailleurs, les détours et les ressorts de sa pensée échappent bien souvent au contrôle de sa volonté ou de son intelligence.

En outre, malgré toute la richesse intellectuelle et culturelle que collectivement, par la démarche scientifique et le développement technique, la réflexion philosophique ou métaphysique, l’expérience historique ou la création artistique, les hommes en société ont réussi à produire, ils se trouveront toujours confrontés à des horizons de connaissance, d’explication et de compréhension :

·        Du fait de distances insurmontables physiquement

·        Du fait de la disparition avec le temps d’informations déterminantes

·        Du fait d’échelles ou de complexités inaccessibles à leur entendement

·     Du fait des limites de leurs capacités cérébrales organiques, même démultipliées par la coopération et augmentées du pouvoir des appareils d’observation et de mesure, des bibliothèques accumulées, des machines à calculer et à traiter l’information.

La science, la philosophie, ou même l’art se proposent souvent d’étendre ces horizons et nous prétendons parfois reculer les limites de notre connaissance par des spéculations théoriques, des constructions philosophiques ou des créations poétiques.

Cet exercice perpétuel de la curiosité, de la soif de savoir découle presque directement de la nature humaine, mais une question fondamentale est d’orienter judicieusement ce formidable pouvoir de questionnement et de compréhension du monde que l’humanité a construit, et qu’elle continue de construire.

·      Toutes les curiosités sont-elles d’un égal intérêt, et ne sommes nous pas parfois avec certaines recherches dans la quête de savoirs chimériques, d’un intérêt opératoire pour le moins illusoire ?

·    Ne consacrons nous pas une part excessive de notre intelligence à une poursuite vide de sens, fuite en avant dans la superficialité commerciale futile et même destructrice ?

·      Y aura-t-il assez d’intelligence pour permettre à l’humanité de se construire une sagesse collective et individuelle, capable d’inscrire sa quête du bonheur dans une harmonie sociale et environnementale viable pour les générations futures ?

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