L’obésité correspond au dérèglement d’un métabolisme qui en temps
normal, permet à l’organisme de constituer des réserves de graisse utiles pour
produire de l’énergie en cas de surconsommation ou de pénurie alimentaire. Les
chameaux avec leur bosses, les marmottes avant d’hiverner, certains oiseaux
avant la migration accumulent ainsi les graisses. Pour l’homme, le système est
plus diffus, et s’autorégule par l’alternance des périodes d’abondance ou de
famine, d’oisiveté ou d’activité.
Dans l’organisme obèse, pour des raisons
diverses (métabolisme, alimentation ou activité) la graisse s’accumule en
quantités de plus en plus excessives, un effet d’accoutumance induit de la part
des cellules adipeuses l’émission d’un signal de faim, une escalade s’amorce,
et la masse graisseuse augmente jusqu’à provoquer toutes sortes de désordres de
santé. Les problèmes multiples s’enchaînent alors, fatigue physique et
organique, problèmes psychiques et sociaux.
Alors qu’autrefois, certaines sociétés menacées par la pénurie
voyaient dans les corps florissants un signe de prospérité, l’obésité est
aujourd’hui considérée comme une maladie. Paradoxalement, elle touche
aujourd’hui plus les pauvres, qui vivent et s’alimentent moins sainement, et
elle a beaucoup à voir avec les mutations des sociétés se convertissant aux modes
de vie modernes.
L’obésité qui était avant tout une affaire individuelle est
maintenant considérée comme un problème de société, car elle touche une
fraction de plus en plus grande de la population.
Les traitements de l’obésité sont de tous les ordres :
hygiène de vie, régimes divers, médications, thérapies psychiques,
liposuccions et chirurgies stomacales, le tout avec plus ou moins d’efforts, de
succès, de souffrances, d’effets secondaires et de satisfaction.
Notre civilisation hypermoderne est obèse. Elle dévore, consomme
sans mesure, assimile plus ou moins mais par la suite, elle accumule de la
matière excédentaire, sous diverses formes, réserves, déchets, richesse.
William Petty, un des fondateurs de l’économie au XVIIIe siècle comparait déjà
l’argent à la graisse dans l’organisme.
Ces accumulations aujourd’hui excessives posent de multiples
problèmes. Problèmes d’harmonie dans la société, de métabolisme perturbé, avec
l’exemple des dérèglements financiers et de la crise récente. Et puis aussi, le
surpoids des société humaines affecte fortement la santé de la biosphère :
boulimie consommant les ressources au delà du soutenable, accumulation de
déchets, envahissement des autres formes de vie dont l’espace est menacé.
Toutes les sociétés ne sont pas également obèses, mais celles
qui le sont le plus font hélas exemple pour celles qui vivent encore dans la
pénurie. Une prise de conscience s’impose après quoi il faut s’interroger sur
le traitement :
· faut-il
écouter les libéraux marchands de sucre qui voient dans l’obésité non pas un
problème mais un modèle et continuent de prôner la croissance au nom du droit à
satisfaire tous les désirs ? faut-il se convaincre que l’extrême obésité
représente le comble du bonheur au mépris des problèmes cardiaques, respiratoires,
vestimentaires ou psychologiques ?
· faut-il
faire le pari cynique qu’une fois les ressources épuisées la boulimie sera
remplacée par la famine et que le problème trouvera tout seul sa
solution ?
· faut-il
encore rester dans l’indécision pour s’en remettre, en dernier recours au
chirurgien qui taillera dans les mauvaises graisses et ligaturera l’estomac ?
· ou
bien faudra-t-il, parmi ceux qui proposent les régimes et l’hygiène de
vie, se décider enfin à faire un choix et si possible s’adresser au
diététicien plutôt qu’au charlatan ? On se rappellera que la meilleure
médecine est probablement celle qui envisage l’organisme dans sa complexité,
qui prend le temps de bien diagnostiquer, qui est habile à doser et à combiner
les types de traitement sans oublier de s’adjoindre la coopération du patient.
Les trois premières hypothèses ne font pas appel à la volonté de
l’organisme malade, mais elles n’envisagent pas une guérison sans de forts
traumatismes. La solution du régime et de l’hygiène limite ces traumatismes,
d’autant mieux si elle est adoptée à temps, c’est la plus raisonnable, et à
juste titre la plus populaire. Il suffit pour s’en convaincre de voir comment
chaque printemps dans les magazines fleurissent les régimes-plaisir et les
conseils-santé.
Il nous arrive couramment d’encourager et d’admirer ceux qui
parviennent à perdre du poids, pourquoi alors nous est-il encore si difficile
d’entendre le mot de décroissance ?