Croissance

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Il est assez étrange qu’on parle sans cesse et partout de LA croissance, généralement présentée comme un bien en soi. La croissance est même dans certains milieux l’objet d’un véritable culte. On pleure la croissance perdue, on veut la relancer en nommant une commission, au besoin on la repeint en vert, couleur très à la mode.

LA croissance, mais de quoi ? Pour savoir ce qu’il en est, il faut savoir de quoi on parle.

En fait, il s’agit ici de la croissance des économistes, celle du PIB, c’est-à-dire en gros d’un certain nombre de revenus accumulés. Comme le soulignent divers auteurs d’économie (dont les Econoclastes) le PIB est très abusivement et hypocritement assimilé au bonheur . Un exemple souvent cité de ces raisonnements biaisés est qu’aux Etats Unis, l’augmentation de la criminalité alimente la croissance (par la rémunération des avocats, par les profits des prisons privées, par le marché des armes et du sécuritaire, notamment).

Il est vrai que la croissance du PIB est vitale pour la perpétuation du système capitaliste, qui veut distribuer du profit aux actionnaires inactifs avant de rémunérer le travail qui a produit la plus-value. On sait aujourd’hui jusqu’où cette logique folle peut mener.

Déjà, il faudrait savoir jusqu’à quel point une telle croissance peut se faire sans augmenter la charge qui pèse sur la planète, c’est à dire l’empreinte écologique pour en rester aux indicateurs. Certains espèrent ainsi « déconnecter  la croissance » de l’accroissement de l’empreinte écologique par une mutation des techniques de production et de distribution. Cet espoir n’est peut-être pas chimérique, mais jusqu’à présent, l’évolution observée n’est pas encore sur cette voie.

Ensuite, tant qu’à promouvoir une croissance, on pourrait proposer celle d’un indicateur plus humaniste, par exemple celle de l’IDH (indice de développement humain) qui amalgame au PIB des données sur la santé, la longévité, l’éducation et les droits de l’homme. Pour améliorer cet indice, d’autre leviers existent que l’accélération de l’économie prédatrice. L’évolution récente de certains pays semble montrer que malgré la corrélation générale positive entre les deux indices, des pays développés ont pu réduire leur empreinte écologique sans diminuer leur IDH, et des pays en développement ont pu augmenter leur IDH avec une incidence mineure sur leur empreinte écologique.

Un des postulats implicites du discours dominant est que la croissance, c’est la vie. Il n’y a pas de vie sans croissance. Même s’il semble de bon sens, ce point de vue mérite d’être discuté. Dans la nature les organismes ou colonies d’organismes ont certes des phases de croissance, mais le fonctionnement cyclique de la vie, les limites de ressources, exigent que ces phases soient temporaires. L’adulte humain ne grandit plus après l’adolescence (qu’on décrit parfois comme une « crise de croissance »). Continuer à croître au delà de cette évolution normale, ce n'est plus grandir, mais devenir obèse.

Les proliférations envahissantes d’organismes opportunistes réduisent la biodiversité et mènent en général à des effondrements, quand une catastrophe fortuite ne vient pas y mettre fin. On admire cette autorégulation des effectifs proies-prédateurs, qui oscilleraient sans mener à des extinctions totales. La Nature connaît la croissance, mais aussi les apogées, les déclins et les périodes de dormance. Pourquoi l’activité humaine échapperait-elle à cette loi ? Parce que l’argent serait en train de devenir virtuel ? A observer l’évolution de la crise financière, les liens entre l’économie virtuelle et l’économie réelle ne sont manifestement pas encore coupés.

C’est paradoxalement dans le milieu des économistes qu’on propage ce « proverbe chinois » (peut-être apocryphe, mais frappé au coin du bon sens): Les arbres ne grandissent pas jusqu’au ciel . On ferait bien de ne pas l’oublier.

Enfin, on peut aussi se demander, mais ce point de vue n’est pas encore très partagé, si le (LE ?) bonheur de tous et de chacun ne peut pas aussi exister dans une certaine frugalité, en d’autres termes par quelque chose qu’on appellerait décroissance et qui pourrait ne pas être vécu comme un déclin.

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