Au sens habituel, le "produit", c’est ce qui est
fabriqué par
l’industrie. Produits chimiques, pharmaceutiques, produits de beauté,
produits d'entretien, les produits sont les représentants omniprésents
du monde artificiel. Certes il y a aussi des produits naturels ou des
produits
artisanaux, mais justement, le fait qu’on le souligne montre bien que
dans ce
cas, on sort de la logique ordinaire. Dans le monde merveilleux de la
consommation, l’industrie a prévu des produits pour tout : pour nettoyer,
pour embellir, pour donner de l’éclat, pour donner du goût, pour soigner, pour
rajeunir ou rénover, bref, pour nous simplifier la vie.
L’emploi du mot produit dénote en réalité l’emprise de la
logique industrielle et la complexification de notre système technique et
économique. Par assimilation avec l’industrie chimique, pharmaceutique ou cosmétique, qui combine les
ingrédients dans ses cuves, emballe la mixture pour la vente et la
commercialise, les économistes ont étendu la notion de produit à toutes sortes
d’objets. Les vêtements, les voitures, les outils sont devenus des produits, et
maintenant, même la culture, l’éducation, le voyage, les loisirs sont des
produits. Le conseiller de la banque propose aussi des produits financiers à l'épargnant. Dans cette idée, il y a le fait que l’acheteur ne décide pas de la
composition de ce qu’on lui propose. Il se contente d’accepter ou de refuser un
choix déjà préparé qu’on lui propose. Tous les voyages ne sont pas un produit,
mais le forfait organisé tout compris, transport, visites et hôtellerie, en est
un.
En achetant un produit, le consommateur choisit une certaine
commodité et laisse la machine économique décider à sa place de la composition
et des recettes qui vont produire ce qu’il consomme. C’est l’affaire de
l’industriel de décider comment améliorer la qualité ou le prix et à qui ces
améliorations vont profiter. Et comme le circuit commercial de l’industrie a
ses impératifs, les "améliorations" des industriels sont orientées surtout vers les problèmes du commerce. La multitude des
(produits) additifs qui assaisonnent notre vie quotidienne ne le révèle que
trop.
La responsabilité du consommateur se limite à faire un choix.
Et
ce choix devient de plus en plus compliqué, car derrière chaque produit
peut se cacher un charlatan. Les habitants de Cerreto, près de Spolète
dans l'Italie du quinzième siècle, avaient une réputation de
bonimenteurs vendant des drogues sur les marchés. Notre langue en a
fait les charlatans. Débusquer les charlatans par le déchiffrage des
étiquettes, être un consommateur informé (et désinformé), arbitrer les
tests comparatifs, connaître les labels, notre responsabilité
d'acheteur est un travail à plein temps.
« Que Choisir ? », telle est la grande question qui nous
occupe.
Fini le choix passif, devenons des « consomm’acteurs » !
Mais
notre vie est-elle réellement plus simple ?
Cette logique semble parfois avoir atteint ses limites. Nous
savons aujourd’hui que le produit cache parfois certains dangers : il y a
des produits corrosifs, nocifs, cancérogènes, et la chimie devient synonyme
d’artifice maléfique. Même s’il existe des organismes de contrôle et de
surveillance (aux Etats Unis, c’est la Food and Drug Administration, et ce rapprochement
est parlant), la méfiance s’installe, car le consommateur a appris qu’on
pouvait lui servir une cuisine plus ou moins frelatée.
Pendant ce temps, l’industrie et le commerce tentent de
reprendre la main en récupérant, justement , la nature, les artisans, les
paysans. Leur but évident est de conserver leurs parts de marchés, mais pas vraiment
de nous faciliter l’exercice de notre responsabilité. Comment sont réellement
fabriqués les innombrables camemberts « moulés à la louche » ?