Performance

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Le mot performance vient de l’anglais qui l’a emprunté au vieux français « parformer » dont le sens est proche de parfaire, d’accomplir. Le sens anglais est celui de réalisation, de résultat réel, et en français, la performance est la mesure de l’action. Elle amène à comparer, et à juger ce qui est vu comme meilleur ou moins bon. La performance est omniprésente dans le sport, mais on en parle aujourd’hui chaque fois qu’on cherche à comparer, évaluer des faits, dans l’économie, dans la technique, dans la connaissance.

Le mode de mesure est généralement très réducteur, et donc le fait mesuré par la performance est résumé à un degré sur une échelle, indépendamment de son contenu, de ses à côtés, de ses incidences. Ainsi, dans le sport, pour mettre en évidence la performance (temps, vitesse, hauteur, longueur, nombre de points,…) on codifie l’action, sur un terrain aménagé, avec des règles et un arbitrage. A la fin, ne comptent que le classement, le record, les émotions des champions.

Notre société de compétition, de rendement et d’efficacité économique aime la performance. On classe les entreprises selon leur chiffre d’affaire, selon le nombre de voitures produites, etc…De même, les villes, les pays, sont comparés en fonction de leurs données démographiques ou économiques et en général de tout ce qui peut être converti en performance.

Que l’observation et l’analyse des faits passe par la mesure, et par l’énoncé de performances est compréhensible et sans doute nécessaire. On peut par contre critiquer l’usage de ces mesures dans un esprit exacerbé de compétition. Des rendements financiers à la productivité des employés, de la taille des mégapoles à l’activité des aéroports, du taux d’emploi ou de chômage au niveau éducatif, de la criminalité à la l’espérance de vie, de la fortune personnelle à la popularité dans les sondages, tout est prétexte à graphiques d’évolution, à comparaison compétitive. Une multitude de tableaux de bords sont supposés alerter nos dirigeants sur les urgences, les actions à mener, les correctifs à apporter, et tous ces chiffres, pourcentages, ratios, classements et autres alimentent le débat politique, sont discutés sans que le contenu concret et social ne soit détaillé, sans que le mode de mesure ou de calcul ne soit éclairé ni critiqué. Tels des sportifs, surveillés par leurs médecins et leurs entraîneurs , occupés par leur dernier record, leur poids, leur capacité thoracique, leur rythme cardiaque ou leur taux d’hématocrite, les citoyens, les entreprises, les territoires sont en permanence auscultés et incités à améliorer leurs performances.

De cette omniprésence de la performance émergent à mon avis deux problèmes.

D’une part, ces comparaisons perpétuelles, ces logiques de course sont souvent fallacieuses et réductrices. Les chiffres et leur analyse se substituent à un jugement plus complexe et simplifient souvent à l’excès l’appréciation des choses. On se réfère trop souvent aux résultats supposés objectifs, sans les nuancer par les précautions qu’imposeraient leur modes et méthodes de calcul.

Ensuite, si on considère qu’une bonne partie des performances mesurées sont celles de systèmes complexes, on ne devrait pas oublier ce qui semble être une loi assez générale de ces systèmes, mise notamment en évidence par le théoricien de l’écologie Robert Ulanowicz, à savoir que la maximisation de la performance ne va pas sans une fragilisation face aux variations possible des conditions extérieures. Eviter de trop rationaliser pour conserver de la variété et des systèmes de relations complexes, c’est certes renoncer au rendement maximal, mais c’est aussi maintenir en réserve des capacités pour surmonter des crises.

  Enfin il faut rappeler que la réflexion sur la valeur morale de ce qu’on mesure est souvent occultée, l’intérêt se focalisant sur le classement indépendamment de son contenu. Être le numéro un de la vente d’armes, offrir le meilleur rendement financier au prix de destructions d’emplois, pratiquer des prix records au détriment de la responsabilité environnementale, sont-ils des buts acceptables ? Le bonheur d’un citoyen est-il correctement caractérisé par le niveau de tel ou tel indice ?

Si certaines performances sont évidemment vertueuses, d’autres aussi sont dénuées de sens ou même franchement néfastes. Toutes les réussites, sous les succès n’ont pas la même valeur. La vie des hommes sur Terre ne peut se résumer à un vaste Guiness des records.

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