Quotidiennement, nous nous informons de la météo, ou plus
exactement des prévisions météorologiques qui aujourd’hui nous donnent avec une
relative certitude le temps qu’il va faire dans la journée ou même dans les
prochains jours. Au delà d’un certain délai, la prévision devient trop
hasardeuse, du fait de l’évolution chaotique de la physique de l’atmosphère.
Malgré la nette amélioration de la prévision, grâce aux données des satellites
et aux grandes puissances de calcul, la météo reste l’archétype du phénomène
variable, d’évolution et de prévision difficile, capable d’avoir sur nos vies
des conséquences importantes. Les grandes
tempêtes, les orages catastrophiques, les périodes anormales de grand froid ou
les canicules relèvent encore pour nous du hasard contre lequel on ne peut rien
et dont il faut s’accommoder. Dans ce monde qu’on dit désenchanté par la
science, la météo, son ésotérisme et ses oracles semblent (sous une forme
rationalisée acceptable par notre modernité) une survivance des caprices et des
colères des dieux primitifs.
Au sujet de la météorologie on peut faire deux observations:
La première observation est qu’il n’est pas toujours bien
compris que si la météo en un lieu donné à quelques mois ou quelques années est
pratiquement imprévisible, il soit quand même possible de prévoir l’évolution
globale du climat à quelques décennies et pour l’ensemble de la Terre. Mais de
fait, ces deux échelles de compréhension différentes relèvent de logiques
séparées. La distinction entre météorologie et climatologie tient au changement d’échelle (et pour simplifier à
ce qu’on nomme la loi des grands nombres). On ne peut pas savoir quel temps
exact il va faire dans 150 jours, par contre on peut raisonnablement
pronostiquer quelques données climatiques d’ensemble en fonction de la saison.
Et on peut aussi, connaissant l’évolution de la composition de l’atmosphère,
s’inquiéter d’un changement climatique en cours. Il en est de même lors du
lancer de dés, il est impossible de faire une prévision satisfaisante sur un
lancer particulier (même si on connaît le résultat des lancers précédents)
alors qu’on peut faire de très bonnes prévisions sur le résultat moyen d’un
très grand nombre de lancers. L’imprévisibilité de la météorologie est due aux mouvements
multiples et capricieux des masses gazeuses de l’atmosphère. La (relative)
prévisibilité de la climatologie tient à une connaissance améliorée des
facteurs globaux gouvernant les bilans énergétiques des masses fluides de la
surface terrestre.
La deuxième observation est que notre vie sur la Terre est non
seulement soumise aux caprices des mouvements erratiques des masses
atmosphériques, mais aussi qu’il existe comme une sorte de météorologie de
l’argent. Ainsi, de même que les média
nous donnent les prévisions atmosphériques du jour, on nous entretient des
cours de la bourse et de la conjoncture économique (autres dieux, autres
oracles). Le monde humain semble sous l’influence des caprices des vents de la
finance. De cette constatation, on peut tirer deux conclusions : D’une
part que la grande fluidité donnée à l’argent des grandes institutions
financières internationales a aussi accru son instabilité, sa propension aux
mouvements capricieux, ou plus exactement d’une complexité inextricable. D’autre
part que cette planète de la finance peut de plus en plus se comparer à ce
qu’on pourrait appeler la phynansphère (ou pour faire une savante
référence au métaux précieux l’argyrosphère ou la chrysosphère). Cette phynansphère (rendons hommage à Ubu) enveloppe la Terre et sa
mobilité selon des lois complexes des marchés soumet l’économie et l’humanité
laborieuse à des caprices quasi météorologiques. Bien évidemment, lorsqu’une
catastrophe se déclenche, personne n’est plus responsable, il ne reste plus qu’à
éponger les dégâts sans chercher à corriger ce qui n’a pas fonctionné. Peut-on
corriger la météo ?
Pour éviter de sombrer dans le fatalisme, on rappellera que
l’instabilité de la météo atmosphérique tient à la fluidité et à la légèreté
des gaz, et que les conditions physiques dans la mer sont moins imprévisibles,
grâce essentiellement à l’inertie de l’eau. On pourrait utilement se rappeler
que la mobilité capricieuse de l’argent sur la planète a certes été permise par
l’informatisation des circuits financiers mais surtout instituée délibérément
sous la pression des doctrines économiques ultralibérales. Elle n’est donc pas
inéluctable, ou en tous cas, elle est susceptible d’être corrigée surtout
lorsqu’on voit où conduit la folie financière.