Histoire de la Terre et de la Biosphère
Introduction
Ces quelques pages ont
l’ambition de résumer l’essentiel des connaissances scientifiques
actuelles sur l’histoire ancienne et récente de la biosphère terrestre.
Ces connaissances sont largement diffusées sous forme détaillée ou très
raccourcie, mais j’ai tenté de ne pas être trop schématique et de
montrer les principaux enchaînements d’événements. J’ai aussi cherché à
replacer dans leur contexte d’ensemble les épisodes les plus
emblématiques et donc les plus connus.
En effet, la Terre et la vie
sur Terre ont une histoire, ou plus exactement une histoire très longue
avant que les hommes n’y apparaissent (contrairement à ce que propose la Bible). Cette histoire qu’on a pu
retracer à partir d’innombrables travaux n’a pas été facile à faire
accepter, mais elle atteint aujourd’hui un degré de cohérence qui fait
autorité, en dépit de lacunes
sur lesquelles travaille la science.
Si on ne souhaite pas entrer dans trop de détails, ni s’initier à un
peu de jargon nécessaire, on pourra se reporter directement au résumé
comparatif par contraction du temps que je propose sur cette page. Il donne je
l’espère une bonne mesure des échelles de temps, ce qui est le
principal.
Formation de la
terre et débuts de la vie (avant le Cambrien)
Cette phase, qui se caractérise (une fois passée la formation
cataclysmique) par une évolution relativement lente, se compte en
millions d’années et correspond à la majeure partie (88%) de
l’existence de la Terre tout comme de l’existence de la vie (85%).
La Terre a 4
560 millions d’années. la Lune s'est formée environ 30
millions d’années après la Terre, suite semble-t-il à une collision
avec une autre planète de la taille de Mars. La croûte terrestre est
globalement stable depuis 4400 millions d’années, et les océans se sont
formés « peu » après. Dans cette période, l'atmosphère initiale
provient essentiellement des dégazages volcaniques et du cycle de
l'eau. Elle est riche en méthane, vapeur d'eau, ammoniac, puis azote,
dioxyde de carbone, et composés soufrés. Les températures moyennes, en
diminuant peu à peu, deviennent favorables notamment aux réactions
chimiques des chaînes carbonées complexes (ce qu’on appelle la chimie
organique), rendant possible l’amorce de la vie.
Les
moteurs
généraux de l'évolution de la vie et de la biodiversité
sont à chercher dans :
• la tectonique des plaques
(mouvements lents de la croûte solide flottant sur un intérieur
visqueux « agité » de mouvements thermiques), qui fait changer
lentement la configuration des continents et des mers et qui est
associée à des phénomènes volcaniques,
• dans le
rayonnement solaire et ses variations liées à la position de
la Terre en rotation, rotation par ailleurs sujette à des modifications,
• dans les changements
de composition de l'atmosphère (émissions
volcaniques, dégazages ou absorptions associés à la température,
émissions des organismes vivants) et leurs effets sur le climat (bilan
thermique, précipitations, …),
• éventuellement
dans de gros accidents (météorites) avec des
conséquences en cascade (obscurcissement de l’atmosphère, déclenchement
de phénomènes volcaniques).
• Il y a surtout
des cycles réguliers (mais pas totalement constants),
jours, années avec saisons, mouvement des marées, qui font varier
périodiquement de façon répétitive et complexe les conditions
thermiques et hydriques.
La vie
apparaît tôt, dans l’eau, par évolution d'une chimie complexe à
base d'eau, de méthane, de CO2, d'azote et d'ammoniac, présents
dans l'atmosphère ou dans les mers. Des concrétions minérales laminées
d'origine biologique.appelées stromatolithes, dont on connaît des
exemples vivants actuels et dont on a trouvé des exemplaires
extrêmement anciens permettent de situer l’apparition de la vie
il y a
3800 - 3500 millions d’années. On ne sait pas si cette
évolution
chimique a été spontanée dans la "soupe primitive" un peu partout, ni
quel rôle ont pu jouer des lieux privilégiés comme les sources
hydrothermales, ni si elle n’aurait pas été « dopée » par un
ensemencement par des chutes de comètes. Quoiqu'il en soit on peut dire
que cette auto-organisation procède déjà d'une logique darwinienne
transposable à la chimie complexe : la diversité combinatoire et la
sélection des formes durables par les conditions extérieures peut
favoriser l’existence prolongée des molécules autoréplicantes (comme le
sont l’ARN, et l’ADN) ou encore l’agrégation de vésicules
membraneuses capables d'isoler un milieu protégé et susceptible de se
multiplier.
Toutefois
la vie
reste relativement peu « spectaculaire » pendant très
longtemps: essentiellement marine et monocellulaire, ou au mieux
pluricellulaire peu hiérarchisée, elle est difficile à connaître dans
cette phase du fait qu'elle laisse peu de fossiles identifiables. Cette
très longue phase du Précambrien est pourtant fondamentale à plusieurs
titres :
• La photosynthèse y
apparaît
très
tôt vers 3800 - 3500 millions d’années avec les cyanobactéries qui
accumulent des concrétions minérales et enrichissent l’atmosphère en
oxygène, au point que vers 2400 millions d’années, l’oxygénation des
milieux provoque une crise écologique qui ouvre la voie à des formes de
vie adaptée à l’oxygène.
• Pendant toute cette longue
période, la température de l'océan décroît peu à peu de 70 °C vers 3500
millions d’années à 20°C vers 800 millions d’années. Cela tient
probablement à une réduction de l'effet de serre atmosphérique du fait
de la captation de quantités énormes de CO2 dans les calcaires sécrétés
par les cyanobactéries. La première glaciation (dite huronnienne) a
lieu vers 2200 millions d’années
• Les eucaryotes, cellules
complexes à noyau et mitochondries apparaissent peut-être vers
2700 -
2100 Millions d’années, attestées vers 1600 millions d’années. Les
mitochondries qui procurent l’énergie à la cellule à noyau sont
probablement le résultat d’une sorte de symbiose par captation.
• Les premiers multicellulaires
attestés datent de 1200 millions
d’années, leur reproduction est sexuée, (certains auteurs proposent une
apparition antérieure vers 2100 millions d’années)
Vers 800 à 635 millions d’années, La Terre traverse un très long
épisode de grand froid et de gel sur presque toute la surface avec une
extinction forte (glaciation Varanger).
Au dégel, à la toute fin du Précambrien, la biodiversité commence à
augmenter notablement et les premiers êtres vivants macroscopiques se
forment. Cette faune dite de l’Ediacarien est difficile à interpréter
(mollusques? vers? ) car elle n’a plus de représentants actuels
identifiés.
Le Cambrien, la vie complexe, le paléozoïque (ère primaire)
La période Cambrienne (il y a
542 millions d’années,
début de l'ère
primaire dite aussi Paléozoïque), marque l’éclosion d’une vie
macroscopique plus identifiable, dans un contexte de diversification
géographique dû à la fragmentation du Gondwana, continent sud unique de
l’époque. Apparaissent de
nombreux organismes
pluricellulaires
complexes, des animaux marins à coquilles laissant des fossiles, des
coraux, de même que les premiers animaux chordés (dotés d’un axe
longitudinal nerveux).
Dans la suite de l’ère primaire (Ordovicien, Silurien, Devonien), la
colonisation
progressive des milieux continentaux est rendue possible
par des dispositifs (enveloppes, filtrage de l’eau, excrétion des
surplus) permettant aux organismes de résister à la déshydratation et
aux décalages de salinité et de PH du milieu (externe ou interne). Elle
s’amorce avec les
premières
plantes terrestres vers 510 millions
d’années, (attestées par des spores vers 470 millions d’années).
Les
poissons
apparaissent, certains colonisent les eaux douces, et on
trouve les
premiers
arthropodes terrestres vers 435 millions d’années.
Les résidus de cette importante biomasse sont à l’origine entre autres
de dépôts d’hydrocarbures fossiles.
Les premières
plantes
à graine datent du Frasnien (subdivision du
Devonien 380 millions d’années) A la même époque, les premiers
tétrapodes
amphibies apparaissent, par évolution de certains poissons
tandis que les agnathes (famille de la lamproie) disparaissent presque
complètement.
En effet, cette évolution est cependant marquée par des crises qui
bouleversent la biodiversité. Les deux plus importantes sont :
• La crise Ordovicien - Silurien
(438 - 436 millions d’années, glaciation déglaciation),
• La crise Frasnien - Fammenien
(365 millions d’années, crise marine par réchauffement et anoxie
comparable à l'eutrophisation, récifs en crise, puis refroidissement )
répartition des continents à l'Ordovicien
Au Carbonifère,
(358 à 298 millions d’années), l’atmosphère est riche
en oxygène, le
climat
est chaud et humide, des massifs de
grands arbres
se développent, soumis à des inondations périodiques mais pas encore
recyclés par la pourriture (d’où l’accumulation de charbon). C’est une
époque de grands arthropodes et d’insectes géants (grâce à l’oxygène)
et on voit aussi les
premiers reptiles
(315 millions d’années).
La crise du Permien et le mésozoïque (ère secondaire)
répartition des continents au Permien
Il y a 251 à
245 millions d’années, le niveau des mers baisse, et
les continents se rassemblent en un seul, la Pangée. La mise en crise
des écosystèmes littoraux et des phénomènes de volcanisme, puis des
rétroactions défavorables (climats à contrastes et aridité) pourraient
avoir été la cause de la
grande crise du Permien
qui fit disparaître
environ
90% de la
biodiversité (plus en mer que sur terre). Les
trilobites (arthropodes autrefois très prospères) disparaissent, les
ammonites sont réduites à une espèce (qui se diversifiera à nouveau
remarquablement bien par la suite). Les coraux sont également fortement
touchés.
Après la
crise du Permien, c'est l'ère mésozoïque (ère secondaire,
connue notamment par les reptiles) avec le Trias qui voit les premiers
dinosaures,
et les premiers
mammifères
(alors ovipares). Une nouvelle
crise (moins intense) marque le passage du Trias au Jurassique il y a
201 millions d’années. Pendant le Jurassique la Pangée se divise,
préfigurant la répartition actuelle des terres.
Les mammifères
marsupiaux, de même que les oiseaux et les plantes à fleurs datent
d’environ 150 millions d’années. Au Crétacé qui voit l’isolement
de
l'Afrique et de l'Amérique par ouverture de l’océan Atlantique,
les premiers
mammifères
placentaires apparaissent vers 90 millions
d’années).
répartition des continents au Jurassique
A la fin du crétacé,
il y a 65 millions
d’années, une cinquième grande
crise marque la fin des gros reptiles et le début de
l'épanouissement
des mammifères. Le débat est encore actif au sujet des causes de cette
crise, pour laquelle il est concevable que la chute d’une grosse
météorite et d’importants phénomènes volcaniques aient accentué de
façon spectaculaire un déclin déjà amorcé depuis déjà de nombreux
millénaires.
On soulignera à nouveau combien les échelles de temps sont étirées,
mais aussi combien ces dates sont tardives, comparées aux quelque 3000
millions d’années qu’a duré la vie au pré-Cambrien.
La Terre en
est déjà à 98,6% de son histoire et la vie à 98,2%.
Après la crise du Crétacé (disparition des dinosaures)
Après la crise du Crétacé, on entre dans le Cénozoïque (tertiaire et
quaternaire, même pas 2% de l'histoire de la biosphère) où on voit les
mammifères se diversifier, de même que les
oiseaux. Les
chauves-souris
comme les
primates
apparaissent il y a
environ 60 millions d’années, les
cétacés se
réadaptent à la mer il y a
50 à 45 millions d’années, mais
les mammouths ne datent
que de 4
millions d’années. L’évolution des équidés commencée il y a 55
millions
d’années aboutit aux formes pratiquement actuelles il y a 5 millions
d’années.
La lignée humaine se sépare des chimpanzés vers 10 millions d’années
(on admet que Toumaï, le Sahelanthropus Tchadensis, est relativement
proche de cette séparation),
les australopithèques sont datés de 3,6 millions d’années, et
l'homme
(le genre Homo) apparaît vers 2,5 millions d’années en Afrique
(Homo
habilis, puis d'autres dont Homo erectus). Cette nouvelle espèce (à
priori pas
spécialement remarquable) est un primate adapté à la bipédie, social et
omnivore, pourvu d’
un
crâne assez gros qui n’est viable que parce que
les petits naissent prématurément. L'élevage pendant plusieurs
années de ces petits au cerveau assez immature et très
dépendants
a pour effet de renforcer les liens
sociaux et de favoriser les apprentissages transmis par rapport aux
instincts. Il y a de bonnes raisons de penser (même si c’est un débat
assez ouvert) qu’
il
y a 2 millions d’années, certains de ces hommes ont
pu parler un proto-langage facilitant la coopération,
l’échange d’informations et les relations sociales.
On entre dans ce qu’on nomme l’ère quaternaire, période qui passe par
plusieurs phases de glaciations dans l'hémisphère nord (apparemment une
conséquence indirecte de la fermeture de l'isthme de Panama modifiant
les systèmes de courants marins). La dernière glaciation (dite du Würm)
commencée il y a environ 120 000 ans a vu la partie nord de la France
recouverte de neige, et des animaux comme les rennes et les mammouths
dans le Périgord. Elle se termine il y a 12 000 ans.
Les interprétations des fossiles en termes de lignées humaines sont
multiples et sujettes à débats, mais on sait que
nos prédécesseurs sont
sortis du berceau africain à deux reprises, vers l’Asie il y a 2
millions d’années, et vers l’Europe 1 million d’années plus tard,
montrant ainsi leur capacité d'adaptation à des conditions multiples.
On peut dire que
le
quaternaire est la période où l'évolution
culturelle rapide prend le relais de l'évolution biologique lente,
pour
les hommes et leur entourage direct tout au moins.
L’homme se disperse sur la Terre
Homo érectus apparu il y a 1,8 millions d’années s'éteint après avoir
duré un peu moins que 1 million d’années, Homo Neanderthalensis apparu
il y a 0,5 million d’années disparaît il y a 28 000 ans. Pour cette
époque, on a récemment caractérisé deux lignées particulières, l’homme
de Denisova en Europe et l’homme de Flores en Asie.
La
domestication du feu date d’il y a 400 000 ans (790 000 ans
selon
d’autres auteurs). On l’attribue en général à Homo erectus. Les
premiers galets aménagés ou grossièrement taillés, datent de 1,8
millions d’années en Afrique comme en Europe, mais on ne trouve des
silex taillés élaborés ou des outils en os que beaucoup plus tard (vers
30 000 ans).
Notre espèce,
Homo sapiens, apparue relativement tôt il y a 200 000 ans
en Afrique, a migré à son tour vers l’Eurasie il y a 40 000 ans et a
cohabité avec les lignées Néanderthal, Denisova et Florès. Elle
atteindra l’Amérique vers 16 000 à 13 000 ans, par le détroit de
Behring, pris dans les glaces du Würm. Si les transmissions techniques
entre lignées paraissent vraisemblables, il semble que les croisements
ont été faibles, et il est probable, même si aucun scénario simple
n’est attesté, que la disparition des lignées Néanderthal, Denisova et
Florès soit liée à l’expansion d’Homo sapiens. D'autres disparitions,
comme celle des très grands mammifères terrestres sont également
associées à la présence d'Homo sapiens.
Tout donne à
penser que le mode de vie de ces humains était proche de
celui des populations de
chasseurs cueilleurs actuellement connues, vivant (avant leur
rencontre
avec les occidentaux) en petits groupes assez dispersés et tirant leurs
ressources directement d’une nature très peu transformée, avec
toutefois
des formes embryonnaires de jardinage et quelques échanges avec leurs
voisins. Les savoir-faire artisanaux (autres que les outils en pierre)
n’ont laissé que des traces assez récentes, mais on peut penser qu’ils
étaient assez élaborés. La
navigation est
antérieure à 50 000 ans
(époque de l’arrivée de Aborigènes en Australie). Les peintures de la
Grotte Chauvet
(un des plus anciens exemples connus) sont âgées de 31
000 ans. Cette complexité des cultures implique l’existence de
langues
parlées riches similaires aux langues actuelles. On admet
qu’elles
étaient acquises il y a 40 000ans.
Le premier
animal domestiqué est le chien, il y a 33 000 à 30 000
ans, une évolution à partir de loups familiers intéressés par
les
restes de chasse. Cette proximité du loup avec les hommes (mais sans
domestication) est bien plus ancienne, attestée depuis 400 000ans.
Les arcs ont pu être inventés il y a 20 000 ans et sont attestés
par des représentations datant de 10 000 ans.
L’anthropisation s’amplifie au Néolithique
La
fin de la
glaciation du Würm il y a 12 000 ans correspond au passage
à l'Holocène, avec les
débuts de la
sédentarisation et de
l'agriculture. Dans certaines régions du globe, les populations
humaines s’accroissent, deviennent plus sédentaires et
passent d’une
économie de prédation à une économie de production, c’est-à-dire
qu’elles commencent à aménager, à contrôler et à faire travailler la
nature à leur profit.
La structure des
sociétés en est fortement
modifiée, avec des hiérarchies, des castes et des inégalités,
puis des
états, l’organisation de grandes collectivités, des religions
impliquées dans le pouvoir politique, et les premières cités.
Cette
mutation des cultures humaines est donc fondamentale. On la
caractérise
notamment par des outils de pierre polie, par des poteries (les
premières poteries au Japon sont vieilles de 14 000 ans), par des
traces de constructions fixes, et surtout par l’
élevage d’animaux et la
culture de plantes dans un cadre sédentaire.
La « révolution » néolithique est progressive et se produit
indépendamment dans plusieurs endroits la planète, à des dates
variables selon les foyers :
il y a 9 000 ans au
Moyen Orient, 6 000 à
3 000 ans dans d'autres régions, Indus, Chine, Amérique, Afrique.
Dans
tous ces lieux, on pouvait trouver des animaux prédisposés par leur
comportement inné à la domestication, des plantes à grosses graines
susceptibles de former des réserves alimentaires, et des conditions
hydro-climatiques favorables aux cultures. Il y avait déjà des
cultures de haricot, de blé ou d’orge il y a 11 000 ans au Moyen
Orient. La domestication animale commence
par les caprins et les ovins (il y a 10 000 à 8 000 ans, au début sous
forme pastorale et nomade), les bovins et les volailles (il y a
7 000 à 5 000 ans), la domestication du porc comme celle de l’âne il y
a
5 000 ans précèdent de peu celle du cheval (4 500 ans).
L’écriture
apparaît il y a 5 500 ans, permettant aux états
d’administrer et de contrôler des populations importantes. De grands
travaux sont entrepris pour l’irrigation ou la construction de lieux de
culte ou de pouvoir, la diversification des activités est rendue
possible par une alimentation assez abondante pour nourrir ceux qui ne
cultivent pas. La
métallurgie
apparaît il y a 4 300 ans pour le cuivre
et le bronze, 3 100 ans pour le fer, plus dur et plus difficile à
fondre.
Les échanges commerciaux, majoritairement locaux, se développent sur de
plus grandes distances pour certaines denrées particulières, celles qui
ayant une haute valeur peuvent être transportées loin. Ce
commerce à
longue distance devient un enjeu géopolitique important,
contribuant à
instaurer des contacts, mais aussi à exacerber des rivalités et des
convoitises.
Les
sciences et les techniques font aussi de grands
progrès, soutenues
par les pouvoirs lorsqu’elles sont des facteurs de puissance, réprimées
quand elles risquent de les déstabiliser.
Si les
populations augmentent en nombre et en qualité
d’équipement, c’est aussi au détriment de l’équilibre alimentaire et de
la stabilité sociale. Avec le perfectionnement des armements,
les
guerres s’amplifient, les royaumes ou empires augmentent leur prédation
territoriale, et l’ordre inégalitaire est imposé par la contrainte.
Cette logique
perdure pendant plusieurs millénaires depuis la Haute
Antiquité jusqu’à la fin du Moyen-Age. L’Europe, l’Asie et une partie
de l’Afrique ont des liens, mais les Amériques vivent leur histoire de
façon isolée et de nombreuses populations, trop inaccessibles pour être
affectées par la mutation, continuent sur des modes de vie plus proches
des origines.
L’évolution
des civilisations alterne les périodes de
floraison et celles de déclin, au gré de la constitution et de
l’éclatement des empires, des guerres de conquête ou des conflits
religieux, en fonction aussi des famines et des grandes épidémies,
tout
cela étant bien souvent combiné.
Le colonialisme et l’anthropocène
Vers la fin du quinzième siècle de notre ère, à la même époque où la
Chine techniquement développée se concentre sur ses problèmes internes
et renonce aux grandes navigations,
l’Europe occidentale
chrétienne
prend, sur le plan scientifique et technique, la relève de l’Orient
musulman. Certaines nations, plus tournées vers la mer, se
lancent dans
de
lointaines
aventures coloniales. C’est un
nouveau tournant dans
l’histoire de l’humanité, qui sera suivi
un ou deux siècles plus
tard
par la
naissance
de l’industrie, favorisée par le développement des
arts mécaniques et par l’
exploitation minière à
grande échelle du
charbon et des métaux.
La puissance d’action des nations industrielles est démultipliée, sur
le plan technique, sur le plan militaire et dans leur capacité à
commercer à grande distance.
Les pays qui sont à l’origine de cette mutation (et parfois les
colonies qu’ils ont fondées) s’enrichissent, ce qui favorise
l’
émergence de
systèmes politiques démocratiques qui substituent à la
hiérarchie fondée
sur la maîtrise de la terre une
hiérarchie fondée sur la puissance financière. La rivalité des
appétits
d’argent est un
moteur puissant pour pousser à l’
exploitation des
ressources
agricoles, énergétiques ou minières sur des territoires plus vastes,
bousculant en quelques années ou décennies les civilisations qui y
régnaient. Selon les régions, leur prospérité pouvait être très
variable, mais leur qualité principale était d’être en général bien
adaptés à leur géographie par des traditions séculaires. Bousculant
aussi la biodiversité, épuisant les ressources et perturbant les
équilibres naturels, le rouleau compresseur mondialisateur n’a pas
avancé de façon continue. Sur son chemin, il a été freiné par certains
obstacles géographiques, culturels ou même politiques, et fortement
ralenti par des conflits de grande ampleur entre puissances, qui ont
par ailleurs révélé les pouvoirs destructeurs terrifiants qu’on peut
tirer des techniques modernes.
Le colonialisme et plus généralement la mondialisation ont aussi
répandu la
médecine
scientifique, avec pour conséquence un
boom
démographique qui aujourd’hui semble heureusement se ralentir.
On peut
penser que la généralisation de l’éducation, et l’instauration d’états
« modernes » lors de la décolonisation ont pacifié les sociétés issues
du colonialisme, mais il faut voir aussi que le commerce des armes
modernes envenime les conflits ouverts par le retrait du colonisateur,
ou par les logiques d’intérêt marchand qui lui ont succédé.
Aujourd’hui, le
développement
des télécommunications et du transport
rapide de masse achève cette mondialisation, contribuant à la
diffusion
d’une civilisation globale imprégnée d’impératifs économiques et
propageant le
modèle du bonheur commercial de masse. Malgré le bien-être réel qu’elle
contribue à répandre parmi les
humains,
cette
civilisation (sauf réforme radicale) n’est pas viable:
l’épuisement des ressources, les graves menaces sur la biodiversité,
les pollutions, le changement climatique et ses retombées risquent de
conduire à des crises majeures, sinon des catastrophes, tant du point
de
vue environnemental que social, politique et économique.
Un retour sur le passé lointain montre à quel point
cette crise de
l’Anthropocène, déclenchée par la trop forte capacité des sociétés
d’Homo sapiens à transformer leur environnement, est soudaine à
l’échelle des
temps géologiques. Quelques siècles (ou même quelques
millénaires) pour
faire émerger des risques majeurs ou pour tenter d’y répondre sont
extraordinairement brefs, comparés aux millions d’années qui sont en
jeu dans l’histoire de la biosphère terrestre. Même à l’échelle des
temps humains, les quelques décennies de délai pour anticiper et
minimiser cette crise sont brèves, au regard de l’inertie des
changements sociaux.