LE BETON ARME

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Une technique de construction assez récente

Le béton armé peut être défini comme

  un ouvrage de maçonnerie moulée,

  réalisée à partir d'aggrégats (fins ou moyens),

  renforcée par un réseau judicieux d'armatures en acier.

Si ce matériau, d'invention relativement récente (fin du XIXème siècle) est rapidement devenu un matériau dominant dans la construction, c'est qu'il regroupe plusieurs avantages:

Le béton armé est bon marché

   à cause du faible coût des aggrégats, et de sa mise en oeuvre par une main d'oeuvre peu qualifiée.

Le béton armé est sûr

   il est minéral, donc résiste bien au feu et au passage du temps; c'est une "pierre artificielle"

    le fer et le béton ont une bonne compatibilité physique et chimique

Le béton armé est performant

   il doit cette propriété essentiellement aux armatures d'acier qui, en reprenant les contraintes de traction, compensent la faiblesse chronique des maçonneries à cet égard

Le béton armé permet une grande liberté formelle

   à cause du fait qu'il est moulé,

   à cause de la possibilité de compenser par plus d'armatures les géométries moins favorables à la transmission des efforts

Le béton armé n'a pu se développer vraiment que vers la fin du XIXème siècle, après que plusieurs conditions eussent été remplies:

  amélioration des ciments, notamment pour une prise assez rapide des ouvrages, même en gros volumes

  acier disponible en quantités suffisantes pour un emploi important en parties courantes de bâtiment

 compréhension de la mécanique interne des ouvrages et du rôle des matériaux suffisante pour permettre un usage raisonné de l'acier

  certitude de la bonne compatibilité de l'association, notamment en matière de comportement au feu et de corrosion

C'est le développement simultané des connaissances scientifiques et des techniques industrielles qui a permis de satisfaire ces conditions. La dernière, notamment, passait par une bonne compréhension des phénomènes de dilatation thermique, quasi-identiques pour le fer et le béton, et par la constatation à long terme que le béton (grâce à son alcalinité) n'attaquait pas les aciers.

On peut ainsi expliquer que le béton armé n'est vraiment arrivé à maturité qu'au tout début du XXème siècle, après une assez longue période de recherches plutôt empiriques, motivées surtout par la quête d'une architecture bon marché, moulée, monolithe et résistante au feu.

Quelques repères historiques

La construction par coffrage est ancienne, essentiellement liée à la technique du pisé (maçonnerie de terre crue moulée). Elle trouve un regain d'intérêt, à l'époque de la Révolution Française, pour produire à faible coût dans les campagnes des édifices résistants au feu. Un des prosélytes de cette technique ancienne, traditionnelle notamment dans la région de Lyon, est François COINTEREAUX, qui sera l'auteur en 1790 d'un traité (Ecole d'Architecture Rurale) et de quelques réalisations (murs, citernes, etc...)

A l'époque de Napoléon, sous l'impulsion notamment des grands travaux d'infrastructures stratégiques, des progrès importants ont lieu dans le domaine des mortiers: On cherche à obtenir des mortiers hydrauliques (c'est à dire capable de prendre en milieu immergé) à des prix plus accessibles que les mortiers à la pouzzolane (comparables à cette époque aux mythiques "bétons romains"). Les progrès de la chimie aidant, des mises au point essentielles ont lieu:

  en 1818           recherches de Louis VICAT sur les ciments artificiels

  en 1824           brevet du ciment "Portland" de Joseph ASPDIN

L'adjonction d'argiles lors de la cuisson de la chaux (par le choix de roches associant calcaire et argile, ou par combinaison volontaire des deux) permet d'obtenir un produit en partie vitrifié, le clinker, et qui réduit en poudre donne le ciment. Différent de la chaux, il permet d'obtenir des mortiers hydrauliques, améliorés par ailleurs grâce à des recherches plus méthodiques sur la granulométrie et les méthodes de gâchage. Ces améliorations sont d'abord appliquées dans des ouvrages de fondation.

La production du ciment naturel commence en 1830, celle du ciment artificiel (pour la France) en 1856

Vers 1831-1836, un architecte de Montauban, François Martin LEBRUN se lance dans l'utilisation des bétons de ciment pour produire une architecture moulée. Il réalise une maison à Marssac près d'Albi pour son frère, des cave voûtées dans l'hôtel de ville de Gaillac, de petits ponts, une école et une petite église à Corbarieu. De gros désordres dans la voûte de cette dernière, lors du décoffrage, mettront fin aux essais de F.M. LEBRUN qui rédigera un traité en 1843 sur l'Art de Bâtir en Béton.

En 1851, François COIGNET, industriel Lyonnais de colle et allumettes, s'intéresse aux constructions incombustibles pour son usine de Saint Denis en région parisienne. Il met au point les "bétons agglomérés", gâchés avec très peu d'eau, à base de granulats divers, et fortement pilonnés dans les coffrages, et incorpore les premiers fers dans les planchers. Il réalise d'abord une maison, puis son usine, puis exploite ses brevets dans toutes sortes de réalisations, utilitaires ou nobles (égoûts, murs de soutènement, aqueducs, phare, immeubles, église au Vésinet en 1862). Il a le soutien de Napoléon III et développe aussi ses brevets à l'étranger (Angleterre notamment)

Dans la même période, des brevets sont pris par Joseph Lambot pour un bateau en ciment grillagé et par Joseph MONIER pour des caisses, et divers éléments préfabriqués. les brevets de Monier seront ensuite développés dans le monde germanique par Wayss et Freytag.

F. Coignet ayant fait faillite (en grande partie suite à la guerre de 1870), les développements ultérieurs du béton continueront en Angleterre, en Allemagne et ponctuellement aux Etats Unis. C'est là bas notamment que des constructeurs tels que William WARD ou Thaddeus HYATT développeront par des essais systématiques de résistance un début de compréhension mécanique du béton armé. On doit notamment à Th. Hyatt la mise en évidence en 1877 de l'identité des coefficients de dilatation des deux matériaux. La première analyse mécanique théorique du système Monier revient à Gustav Adolf WAYSS en 1887.

Vers 1880, un charpentier d'origine belge, François HENNEBIQUE, intéressé par des structures résistantes au feu met au point peu à peu ( et indépendamment de Th. Hyatt ?) sa propre méthode de construction en béton armé. A partir de ses brevets (1892) il réalise ses premiers édifices (silos, usines, entrepôts,...) et devient le chef du premier bureau d'études de béton armé, à la tête d'un réseau d'entreprises concessionnaires, animé par une politique commerciale efficace et une publication spécialisée. Sous cette impulsion, ainsi que celle des systèmes concurrents (Paul COTTANCIN, Edmond COIGNET, Armand CONSIDERE) le béton armé devient en quelques années un matériau relativement courant dans la construction: Le premier cours aux Ponts et Chaussées est donné par Charles RABUT en 1896, l'exposition universelle de Paris 1900 consacre le nouveau matériau, et les essais menés lors des démolitions permettront d'édicter les premières règles de calcul nationales en 1906.

C'est Auguste PERRET en 1903, avec l'immeuble de la rue Franklin, puis la quasi totalité de son oeuvre, qui le premier donnera au béton armé son statut de matériau d'architecture. Il initiera également le jeune Charles Edouard Jeanneret aux vertus du nouveau matériau.

Le béton armé contemporain

Au début du XXème siècle, le béton armé est surtout un matériau d'ossature (et non de murs), prisé pour son faible coût, sa souplesse formelle, sa finesse, sa résistance au feu et sa supposée durabilité. En architecture, il est le plus souvent revêtu, sauf dans les emplois utilitaires.

Des ingénieurs tels que Eugène FREYSSINET (inventeur du béton précontraint), Robert MAILLART, Pier-Luigi NERVI, Eduardo TORROJA, Nicolas ESQUILLAN, Bernard LAFFAILLE, ou Heinz ISLER, pousseront le béton armé dans le courant du XXème siècle à ses limites dans des ouvrages de grande portée qui, grâce aux techniques de coffrage, peuvent traduire la logique des forces dans des formes affinées.

Dans le même temps, pour les constructions courantes, le béton se développera plutôt dans le sens d'une réduction des coûts et d'une industrialisation des chantiers (construction par voiles, préfabrication par éléments ou préfabrication lourde, outils élaborés de coffrages, procédés variés de coffrages perdus, prédalles,etc...).

Le béton comme matériau d'architecture noble est travaillé autant au niveau de la matière (granulats, liants,...) que de son aspect de surface (texture du coffrage, traitements de surface, etc...). Ce travail exigeant est en contradiction avec l'idée d'un matériau peu coûteux, et cette option reste réservée à une petite élite capable d'obtenir une qualité suffisante de la part des exécutants (Auguste Perret et son école, Le Corbusier après-guerre et le courant "brutaliste", notamment en Suisse et au Japon avec Kenzo Tange, Louis I. Kahn, Paul Rudolph, Tadao Ando).

L'évolution du matériau lui-même a repris depuis quelques années avec le développement des nouveaux bétons: Des recherches plus poussées sur les granulats très fins, sur les procédés d'armature ou sur la chimie de certains additifs, ont permis aussi bien d'améliorer les qualités de mise en oeuvre que d'accroître les performances mécaniques (celles-ci ont été augmentées d'un facteur 3 à 4). Certains ouvrages d'art récents ont marqué l'avènement de ces bétons nouveaux, qui gagnent en importance également dans le monde du bâtiment courant (BHP, béton autoplaçant, bétons de fibre,etc..).

Le béton armé est encore aujourd'hui un matériau multiforme (on devrait plus justement parler des bétons), et à ce titre chargé de nombreuses contradictions souvent mal explicitées. C'est sans doute ce qui explique les préjugés contradictoires dont il est l'objet, tant de la part du grand public, que de la part des spécialistes, industriels du bâtiment, ingénieurs et architectes.

 

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